• Shakespeare

     

     

     

    Le ‘degree’ .1/3.  

     

    Premier discours d’Ulysse dans Troïlus et Cressida (I, 3, 83-111) :

     

    Ulysses.                      Degree being visarded, 
    The unworthiest shows as fairly in the mask.
    The heavens themselves, the planets and this centre
    Observe degree, priority and place,
    Insisture, course, proportion, season, form,
    Office and custom, in all line of order. 

    […]               O, when degree is shak’d,
    Which is the ladder to all high designs,
    Then enterprise is sick. How could communities,
    Degrees in schools and brotherhoods in cities,
    Peaceful commerce from dividable shores,
    The primogenitive and due of birth,
    Prerogative of age, crowns, sceptres, laurels,
    But by degree, stand in authentic place ?
    Take but degree away, untune that string,
    And, hark, what discord follows ! each thing meets
    In mere oppugnancy

     

    ULYSSE. ―              Quand la bonne échelle disparaît

    Sous un masque, le plus indigne paraît l’égal du plus noble.

    Les cieux eux-mêmes, les planètes et le soleil

    Respectent l’échelle, la priorité, la position,

    La pérennité, le mouvement, la proportion, la saison, la forme,

    La fonction et la coutume sur toute la ligne.

    [...]             Mais que la bonne échelle vienne à être dérangée,

    Elle qui sert de mesure à tous les grands desseins,

    Alors, toute l’entreprise est malade. Comment les communautés,

    Les niveaux dans les écoles, les confréries dans les villes,

    Le commerce pacifique entre concurrents,

    Le droit d’aînesse dû à la naissance,

    Les prérogatives de l’âge, les couronnes, les sceptres, les lauriers,

    Sans cette mesure, pourraient-ils tenir à leur place juste ?

    Écartez-vous de la mesure, désaccordez cette corde,

    Et écoutez la cacophonie qui survient ! Tout, tout à coup,

    Est réduit à l’affrontement… 

     

    Le ‘degree’ est traduit par « hiérarchie » par François-Victor Hugo. Il s’agit de la perte des différences, ou l’indifférenciation, comme l’appelle René Girard. 

     

     

     

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  • Désacralisation

     

    La fin de l’Histoire

     

    On s’est moqué, on se moque encore, de la proposition de Francis Fukuyama (1992) selon laquelle nous aurions atteint, avec la chute de l’empire soviétique, « la fin de l’histoire ». Évidemment, la disparition du communisme réel (et encore pas partout) ne s’est pas accompagnée du triomphe du capitalisme et de l’avènement de la paix sur la Terre. Le capitalisme a connu plusieurs crises sérieuses depuis 30 ans (la plus grave ayant eu lieu entre 2008 et 2012) et la paix, c’est le moins qu’on puisse dire, est loin, très loin de tout accomplissement. La guerre est partout.

       On peut alors s’interroger : dans quelle espèce d’histoire sommes-nous entrés ? Nous avons progressé dans la compréhension de la vanité et de la vacuité de la violence, mais on nous offre encore quotidiennement le spectacle de guerres avec de vrais chars, de vrais soldats et de vrais morts... tandis que la méconnaissance craque de partout. Nous sommes dans un entre-deux tragique, un peu risible, révélateur d’une mutation radicale. La « conversion » s’ébauche péniblement mais sûrement. Nous avons changé de siècle, presque de millénaire, mais manifestement nous n’avons pas encore perdu nos réflexes agressifs. La coexistence de la violence et de sa désacralisation est caractéristique de l’Apocalypse. C’est le passage, par l’absurde, de la Révélation à la Lumière.

     

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  • L’enfer mimétique

     

     

     

    Les réseaux sociaux sous contrôle*

     

    Là où la morale chrétienne n’a jamais eu cours, les choses sont bien pires. En Chine, qui est le pays le plus athée de la planète depuis longtemps, le contrôle des individus ne se fait pas par leurs pairs (avec la lutte classique des égos égaux) mais par un « pouvoir central » omniscient, omnipotent, un pouvoir absolu qui s’est arrogé tous les attributs de Dieu. Attributs que nul ne peut lui contester puisque Dieu a été éliminé comme alternative ou contre-pouvoir. Il ne s’agit donc pas d’un pouvoir central à proprement parler (l’abus de langage fait partie du système répressif), mais d’un pouvoir vertical, très autoritaire, qui « tombe du ciel comme l’éclair ». Dieu n’ayant pas droit de cité, c’est bien Satan qui est à la manœuvre. C’est l’enfer garanti.

       On avait imaginé l’enfer, autrefois en Occident, comme un lieu de désordre affolant**, il est en réalité très policé, très calme, tout le monde y applaudit le chef suprême en même temps et sur le même rythme. Il n’y a pas d’ordre plus implacable et plus fascinant.

       Curieusement, les deux mondes qui s’opposent, celui du désordre absolu de la « libre expression » et celui de l’ordre imperturbable de la censure totale, se ressemblent comme deux jumeaux mimétiques. Tik Tok et X, même combat !

     

    * Voir article ci-après.

    ** Si bien représenté par Jérôme Bosch.

     

     

     

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  • L’enfer mimétique 

     

    Les réseaux sociaux libres

     

    L'enfer mimétique, c’est le monde d’Elon Musk, celui des réseaux sociaux compulsifs, des infox et de la rumeur méchante et permanente. Dans ce monde virtuel mais très actif, la raison et le simple bon sens ont été remplacés par la comparaison, la compétition (combien de likes ?), la rivalité agressive, le harcèlement systématique, la dérision mordante : tous les visages de la violence pure ! Selon les critères girardiens, il s’agit là d’une crise mimétique aiguë, semblable à celles qui disloquaient les sociétés primitives avant qu’elles n’aient recours au bouc émissaire, c’est-à-dire à l’évacuation de la violence par la violence qui s’abat sur un seul, la victime émissaire.

       Le problème aujourd’hui, c’est qu’il n’y a plus de victime émissaire disponible, malgré des tentatives, ici ou là, de dénonciations nominales très violentes (avec appel, parfois, au passage à l’acte). Tout le monde peut, à tour de rôle, prendre la place de l’émissaire, et subir dénigrements, calomnies, ou réelles menaces physiques.

       Quand on parle de régulation, voire de simple modération, Elon Musk et ses sbires ressortent « le 1er amendement de la Constitution des États-Unis » et le droit sacré à la « libre expression ». Est-ce que la libre expression inclut le blasphème, l’injure, l’insulte raciste et sexiste et autres offenses ? D’après les libertariens, il semble que oui. Nous voyons monter la menace de l’indifférenciation violente, assortie d’aucune protection sacrificielle traditionnelle. Même la morale puritaine, encore bien accrochée dans les pays anglo-saxons, a cédé la place au déchaînement sans frein de la méchanceté. Au nom du noble droit à « la liberté d’expression » ...

     

    (à suivre)

     

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  •  

    Shakespeare 

     

     

     

                             Sonnet 8

     

         Mark how one string, sweet husband to an other,
         Strikes each in each by mutual ordering ;
         Resembling sire, and child, and happy mother,
         Who all in one, one pleasing note do sing :
     

     

         Vois comment une corde, unie à sa compagne,

         Vibre quand on la touche et s’allie avec elle.

         Ainsi l’heureuse mère, et le père, et l’enfant,

         Étant tous réunis, chantent à l’unisson.

     

     

     

     

     

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