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21 octobre 1984
Décès de François Truffaut
Quarante ans après sa disparition, sa présence est tenace et je reviens à lui comme je retourne à mes poètes préférés, ou mes romanciers favoris, ou mes musiciens de cœur.
Son intelligence sensible, autant que sa sensibilité intelligente, me servent de repères et m’inspirent. Me reviennent souvent en tête ses belles paroles, comme une devise : « …pouvoir vivre normalement, c’est-à-dire aimer sans méfiance. »
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Shakespeare
Grand seigneur
Thésée, le duc d’Athènes, accepte de recevoir une troupe d’artisans amateurs venus lui offrir un modeste divertissement.
Theseus. I will hear that play ;
For never anything can be amiss,
When simpleness and duty tender it.
Go, bring them in ; and take your places, ladies.
[…]
The kinder we, to give them thanks for nothing.
Our sport shall be to take what they mistake :
And what poor duty cannot do, noble respect,
Takes it in might, not merit.
Where I have come, great clerks have purposèd
To greet me with premeditated welcomes ;
Where I have seen them shiver and look pale,
Make periods in the midst of sentences,
Throttle their practised accent in their fears,
And in conclusion, dumbly have broke off,
Not paying me a welcome. Trust me, sweet,
Out of this silence yet I pick’d a welcome ;
And in the modesty of fearful duty
I read as much as from the rattling tongue
Of saucy and audacious eloquence.
Love, therefore, and tongue-tied simplicity
In least speak most, to my capacity.
THÉSÉE. ― Je veux bien entendre cette pièce ;
Car rien n’est vraiment faux
Quand la simplicité et la générosité se donnent en spectacle.
Allons, faites-les entrer. Et Mesdames, prenez place.
[...]
Nous n’en aurons que meilleure grâce à les remercier pour rien.
Notre distraction sera de prendre bien ce qu’ils exécutent mal.
Ce qu’un zèle maladroit ne peut comprendre, un noble respect
Sait reconnaître l’effort plutôt que le mérite.
Où que j’aille, de grands clercs se précipitent
Pour me saluer avec des compliments prémédités ;
J’en ai suffisamment vu trembler et pâlir,
S’interrompre au milieu de leur phrase,
S’étrangler d’effroi malgré leur éloquence apprise,
Pour finalement se taire, confus,
Sans m’avoir seulement salué. Croyez-moi, ma chère,
Même à travers leur silence, j’ai su reconnaître le compliment.
Et dans la modestie de l’application inquiète,
J’en ai lu autant que dans la langue qui bafouille
Une éloquence impertinente et arrogante.
L’affection et la muette simplicité
Sont donc capables, à moindre mot, de me toucher.
Le Songe d’une nuit d’été, V, 1, 81-105.
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Portfolio
Images
J’ai toujours eu besoin d’être entouré d’images.
Dans ma classe, les murs étaient couverts de photographies, de dessins.
Dans ma chambre d’adolescent, il y avait des affiches partout, même au plafond.
Elles représentent ma mémoire, en vrac.
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La pesanteur et la grâce
La faute
La question que pose Claudius dans sa prière (Hamlet, III, 3) est centrale :
Peut-on être pardonné et être toujours fautif ?
May one be pardoned and retain th' offence ?
Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, la réponse est oui. Le pardon n’efface pas l’offense, il se surajoute à la faute et la métamorphose en grâce. Hannah Arendt l’explique très simplement (Condition de l’homme moderne) : « Le pardon est exactement le contraire de la vengeance. Le pardon est la seule réaction qui ne se borne pas à réagir mais qui agisse de façon nouvelle et inattendue. » Autrement dit, le pardon est un miracle. C’est ainsi que Jésus fait souvent précéder ces guérisons de l’expression : « Tes péchés sont pardonnés ». Mais il ajoute : « Ta foi t’a sauvé ». Car, encore faut-il croire au pardon pour être pardonné ! C’est ce que ne comprend pas Claudius :
Essayer le repentir ; de quoi n’est-il pas capable ?
Mais de quoi est-il capable quand on est incapable de se repentir ?
Ô, misérable condition !
Try what repentance can. What can it not ?
Yet what can it when one can not repent ?
O wretched state !
Claudius, comme Macbeth, ne parvient pas à se débarrasser de sa mauvaise conscience.
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