• Moi-je, Moi-je

    Les autonomes

     

    Ils ne savent même plus faire la cuisine. Ils achètent des plats tout faits ou bien ils se font livrer à domicile. Uber Eats leur apporte leur pitance, commandée par appli, qu’ils n’ont plus qu’à réchauffer (peut-être).

       Un « autonome » ne devrait-il pas d’abord savoir se nourrir, préparer sa propre subsistance ? Non, il s’en remet à l’industrie agroalimentaire et, débarrassé de la corvée de la cuisine, il se croit « libre ».

       Signe des temps, les nouveaux appartements aux États-Unis sont construits sans cuisine. Puisqu’elle ne sert plus à rien.

       Pour régler son repas, l’autonome paie par carte « sans contact » ou par virement automatique. Il ne sait même plus ce que ça lui coûte. D’ailleurs, il ne vérifie pas ses comptes et attend que sa banque le prévienne quand « il est dans le rouge ».

       Ce rapport déconstruit à la nourriture est caractéristique de la génération selfique. L’autonome moderne est détaché de tout, même des contingences naturelles liées à sa nature humaine. Il s’imagine vivre dans une bulle de confort, sa bulle est en fait théorique, elle n’existe pas, c’est une illusion, et il s’en contente.

       Il vit comme à côté de son corps. Des statistiques récentes (peut-être authentiques) nous révèlent que  les Européens font de moins en moins l’amour, y compris parmi les 18-40 ans ! Une masturbation devant une vidéo porno compense le manque. Et l’extase est assurée sans s’encombrer d’une autre présence.

       Les transhumanistes ne seront pas des petits robots, ni des « hommes augmentés », ils seront des humains qui auront perdu toute relation vraie avec leur prochain. Ce seront véritablement des hommes diminués.

     

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  • Bonnes feuilles

     

     

    Qui dit-on que je suis ?

     

    Tout se passe comme si rien n’avait été écrit d’avance. « Si cette coupe peut s’éloigner de moi... », s’exclame [Jésus], quand l’heure de sa mort approche, alors qu’il a tout « prédit », qu’il sait avec une certitude courageuse que le sacrifice va tomber sur lui. Ses angoisses à Gethsémani (Matthieu 26, 36-46), ne sont pas feintes. Les Évangiles sont évidemment écrits par des témoins postérieurs qui savent ce qui s’est passé, et la Passion, et la mort, et la Résurrection. Mais pour Jésus, c’est la première fois ! La folie du sacrifice n’est pas « déterminée » comme suivant un théorème. Dieu n’est pas un mécanisme d’horlogerie. La grâce est toujours possible. Le drame de Jésus, et avec lui le drame de l’humanité, c’est que la grâce n’est pas venue, sur un plateau, aux humains de ce temps-là, ni à ceux des temps qui ont suivi. « Ce que tu as à faire, fais-le vite ! », supplie-t-il (Jean 13, 27), implorant l’intervention de Judas. Mais le temps continue d’avancer très lentement.

     

    Extrait de mon essai paru chez L’Harmattan, 2024.

     

     

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  • Shakespeare 

     

    Le ‘degree’ .2/3. 

     

     

    Si la bonne échelle est bousculée (‘degree is shak’d’), le déséquilibre conduit au désordre. 

     

    Ulysses. Then every thing includes itself in power,
    Power into will, will into appetite ;
    And appetite, an universal wolf,
    So doubly seconded with will and power,
    Must make perforce an universal prey,
    And last eat up hi
    mself.

     

    ULYSSE. – Alors toute chose est réduite à la force,

    La force à la volonté, la volonté à l’appétit,

    Et l’appétit, ce loup universel,

    Soutenu par la volonté et la force conjuguées,

    Se jette sur tout comme sur sa proie, 

    Et l’univers finit par se dévorer lui-même.

     

                                         Troïlus et Cressida, I, 3, 119-124.

     

    Jésus ne dit pas autre chose : « Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume-là ne peut subsister. Et si une maison est divisée contre elle-même, cette maison-là ne pourra se maintenir. »  Marc, 3, 24-25

     

    René Girard précise : « le mot ‘degree’ peut se traduire par rang, distinction, discrimination, hiérarchie, différence. [...] Le principe différentiel semble avoir pour fonction de refouler la rivalité mimétique. De temps à autre, toutefois, il succombe aux attaques virulentes du mal qu’il était censé prévenir. »

     

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  • Sacrifice 

    Loth et ses filles

     

    Le consentement coupable

     

    Comment expliquer qu’une femme violée à l’adolescence mette trente-cinq ans pour dénoncer son bourreau ? Les cas des actrices soumises à ce mauvais sort se révèlent peu à peu. Aujourd’hui, c’est devenu motif à un buzz médiatique*, particulièrement embarrassant.

       Il faut aller au fond du « fait sacrificiel » pour comprendre un tel comportement. Longtemps après l’agression sexuelle, la victime garde en elle le souvenir d’un « consentement coupable ». Si, de surcroît, l’actrice doit sa carrière à ce sacrifice, comment peut-elle se renier à ce point ?

       Le traumatisme est toujours teinté de souffrance. Les viols subis par les enfants, fatalement assujettis, sont des formes de tortures à peu près indicibles et ineffaçables.

       La question est tragique : comment la victime a-t-elle consenti à son bourreau ? Trente-cinq ans plus tard, et la libération de la parole aidant, la culpabilité demeure, tandis que le souvenir du consentement se change en honte, en remords, en ressentiment

        La Justice peut-elle « trancher » une situation aussi « fermée sur elle-même » ? Il est à peu près évident que non. C’est pourquoi la grande majorité des enfants violés ne viennent jamais réclamer justice ! Sauf « en nombre », comme cela a été fait contre l’Église catholique. Pour la même raison, la révélation d’une actrice victime de son réalisateur-prédateur déclenche, en chaîne, des révélations similaires. L’interdit une fois levé, c’est le mimétisme qui se libère et les « révélations » tombent en cascades.

       La reconnaissance, par la Justice, de la faute du coupable, si tant est qu’elle puisse être « prouvée », soulage-t-elle la plaignante ? On peut l’espérer. Mais passer par un procès public pour « réparer » une blessure aussi intime et aussi ancienne est un détour qui demeure douloureux. Il est certains péchés qui ne peuvent s’absoudre que dans le pardon. Hélas, comment amener le prédateur, trente-cinq ans après les faits, à demander pardon ? Et publiquement ! La justice humaine est incapable de cet exploit.

     

    * Voir Tribunal populaire page 6.

     

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  • Chanson

     

     

    Les trois bons Samaritains 

         Elle est à toi, cette chanson
         Toi, l’Auvergnat qui, sans façon
         M’as donné quatre bouts de bois
         Quand dans ma vie il faisait froid
         Toi qui m’as donné du feu quand
         Les croquantes et les croquants
         Tous les gens bien intentionnés
         M’avaient fermé la porte au nez

         Ce n’était rien qu’un feu de bois
         Mais il m’avait chauffé le corps
         Et dans mon âme il brûle encore
         À la manière d’un feu de joie
     

         Toi, l’Auvergnat quand tu mourras
         Quand le croque-mort t’emportera
         Qu’il te conduise, à travers ciel
         Au Père éternel
     

         Elle est à toi, cette chanson
         Toi, l’hôtesse qui sans façon
         M’as donné quatre bouts de pain
         Quand dans ma vie il faisait faim
         Toi qui m’ouvris ta huche quand
         Les croquantes et les croquants
         Tous les gens bien intentionnés
         S’amusaient à me voir jeûner

         Ce n’était rien qu'un peu de pain
         Mais il m’avait chauffé le corps
         Et dans mon âme il brûle encore
         À la manière d’un grand festin
     

         Toi l’hôtesse quand tu mourras
         Quand le croque-mort t’emportera
         Qu’il te conduise à travers ciel
         Au Père éternel
     

         Elle est à toi cette chanson
         Toi, l’étranger qui sans façon
         D’un air malheureux m’as souri
         Lorsque les gendarmes m’ont pris
         Toi qui n'as pas applaudi quand
         Les croquantes et les croquants
         Tous les gens bien intentionnés
         Riaient de me voir amené

         Ce n’était rien qu’un peu de miel
         Mais il m’avait chauffé le corps
         Et dans mon âme il brûle encore
         À la manière d’un grand soleil
     

         Toi l’étranger quand tu mourras
         Quand le croque-mort t’emportera
         Qu’il te conduise, à travers ciel
         Au Père éternel

     

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