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Par hillion le 15 Avril 2024 à 09:57
Mimétisme et parité
« L’égalité des chances »
« Notre obsession de l’égalité des chances nous condamne à la fois à ressentir toute inégalité comme une injustice, et à demeurer enfermés dans un tel ressentiment. »
Charles Ramond, Égalité des chances et reconnaissance, 2008.
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Par hillion le 12 Avril 2024 à 10:00
Éducation
Désir et motivation
Éduquer, c’est conduire l’enfant là où il désire aller. Apprendre peut être parfaitement assimilé à un désir. Tout enseigneur en est bien convaincu. Mais le mot désir est un peu suspect, on parle seulement de « motivation ». La plupart des professeurs n’attendent pas des élèves qu’ils soient bons, ils souhaitent uniquement qu’ils soient intéressés.
Il y a deux « écoles » de la motivation, si je puis dire. L’une croit en une motivation interne, propre à l’individu. Comme le désir, confondu avec l’instinct, on imagine que cela vient de soi. Mon désir m’appartient, il est propre à ma personne, il est inné. C’est fou ce qu’on a tendance à s’en remettre à l’inné dans une institution qui a pour mission de diffuser et de faire assimiler des connaissances ! Qu’est-ce que c’est que ces enseignants qui comptent que le travail se fasse tout seul, grâce au don, grâce à la nature et ses soi-disant motivations naturelles ? Éliminons sans hésitation cette première « école », elle n’est manifestement pas sérieuse.
La deuxième croit en une autre motivation interne, celle-ci est propre à l’institution. L’élève travaille pour la note, pour le conseil de classe, pour le passage, pour l’examen final. Évidemment, énoncée comme cela, la proposition est un peu indécente : on dira, plus hypocritement, que l’élève travaille pour lui-même (clin d’œil à la première « école »), ce qui revient à dire qu’il travaille pour « sa » note, pour « son » passage, pour « son » examen. Nous sommes toujours en circuit fermé. L’école (la grande !) trouve ainsi moyen de s’autojustifier.
Et la vocation dans tout cela ? Si, par hasard, elle apparaît chez un individu, croyez-vous qu’elle nous fera une belle motivation ? Cela dépend. Si la vocation est interne à l’école, assimilable par celle-ci, par exemple : la vocation pour les mathématiques (on appelle cela une bosse...), alors miracle, l’élève est encouragé, récompensé, félicité, montré comme un modèle. Si, en revanche, la vocation est externe, si son origine n’est pas liée à l’école (comme la musique, la danse, la peinture, le sport, le cirque...), alors il faut impérativement ramener l’élève à ses priorités : passe ton bac d’abord, ça n’est pas avec la danse que tu auras un métier, la trigonométrie et la reproduction des haricots semblent bien plus sérieuses et autrement nécessaires dans la vie que les entrechats, etc. C’est bien triste, mais que voulez-vous que le système éducatif réponde d’autre ? La plus belle fille du monde, elle non plus...
Et si, maintenant, la source de la motivation n’était pas interne, mais externe ? Cela expliquerait bien des choses... Apprendre, c’est un appel de l’extérieur. On ne peut pas donner de meilleure définition du désir. Cet appel doit être « médiatisé » : ce que je vais désirer doit m’être désigné par quelqu’un. « Quand je serai grand, je serai comme mon papa. » L’enfant exprime très clairement et très complètement son désir. Le reste n’est que mise en forme et jeu de circonstances. Si je veux apprendre, il faut que je voie quelqu’un qui sait et il faut que je veuille l’imiter. Il me faut un modèle. Ce modèle va me montrer la démarche. Je vais tout faire pour être comme lui. Si je veux être sportif, c’est sûrement parce qu’un jour, peut-être il y a longtemps, j’ai vu un athlète qui m’a fasciné et je n’ai de cesse de devenir ce qu’il a été à mes yeux.
Extrait de mon essai Le Maître des désirs.
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Par hillion le 5 Avril 2024 à 10:05
James Joyce
I will Yes
Le monologue de Molly Bloom
Dernier chapitre d’Ulysse
I put the rose in my hair like the Andalusian girls used or shall I wear a red yes and how he kissed me under the Moorish wall and I thought well as well him as another and then I asked him with my eyes to ask again yes and then he asked me would I yes to say yes my mountain flower and first I put my arms around him yes and drew him down to me so he could feel my breasts all perfume yes and his heart was going like mad and yes I said yes I will Yes.
j’ai mis la rose dans mes cheveux comme le faisaient les Andalouses ou devrais-je en mettre une rouge oui et comment il m’a embrassée sous le mur des Maures et j’ai pensé bon autant lui qu’un autre et puis j’ai demandé avec mes yeux qu’il me demande encore oui et puis il m’a demandé si je voulais oui de dire oui ma fleur de la montagne et d’abord je l’ai entouré de mes bras oui et je l’ai attiré tout contre moi comme ça il pouvait sentir tout mes seins mon odeur oui et son cœur battait comme un fou et oui j’ai dit oui je veux Oui.
*
Extraordinaire description du désir fou. Il me rappelle la fin de l’Apocalypse de Jean, justement le dernier chapitre (22, 20-21).
Le garant de ces révélations l’affirme : « Oui, mon retour est proche ! » Oh oui, viens,
Seigneur Jésus !
Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec tous ! Amen.
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Par hillion le 3 Avril 2024 à 12:03
La théorie mimétique
La clé
L’hypothèse girardienne est tellement vaste et féconde qu’elle connaît des prolongements en anthropologie, en religion, en philosophie, en psychologie, en sociologie, en éducation, etc. Comme si Girard était une clé qui ouvrait toutes les serrures. Et de fait, elle en ouvre beaucoup. Encore faut-il trouver d’abord la bonne serrure à ouvrir. Elle n’est pas sociologique, psychologique, philosophique, politique, religieuse, ni quoi que ce soit d’autre, elle est celle de la responsabilité de l’homme dans la perpétuation du mal (on l’appelle aussi le péché) : pourquoi aime-t-il à ce point la violence ? Girard a trouvé dans le message chrétien une réponse à cette question centrale : le mimétisme spontané, le désir forcené de rétribution, la rivalité banale comme le mal, ont été révélés il y a 2 000 ans.
Pourtant, il n’y a pas « d’éthique chrétienne » qu’on pourrait comparer à l’éthique marxiste, ou l’éthique kantienne... L’amour du prochain n’est pas une morale (comme on m’a appris quand j’étais petit : « il faut être gentil avec tes copains »). Aimer son ennemi est un commandement qui n’a pas d’équivalent, puisqu’il exclut toute symétrie, toute compensation, contre-don et autre « rachat ». « Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous-mêmes, faites-le pour eux » (Matthieu 7, 12 et Luc 6, 31). C’est tout le contraire de l’interdit : ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’il vous fasse. D’ailleurs, on ne trouve pas, dans les paroles de Jésus, le moindre « interdit ».
Cette unité parfaite, univoque et d’une profonde cohérence, du discours chrétien est la clé que personne ne veut voir. Tout simplement parce que la serrure qu’elle ouvre, c’est nous-mêmes !
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Par hillion le 29 Mars 2024 à 23:21
Poésie
Même quand nous dormons nous veillons l'un sur l'autre
Et cet amour plus lourd que le fruit mûr d'un lac
Sans rire et sans pleurer dure depuis toujours
Un jour après un jour une nuit après nous
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