• Éducation 

     

     

    Désir et motivation

           

    Éduquer, c’est conduire l’enfant là où il désire aller. Apprendre peut être parfaitement assimilé à un désir. Tout enseigneur en est bien convaincu. Mais le mot désir est un peu suspect, on parle seulement de « motivation ». La plupart des professeurs n’attendent pas des élèves qu’ils soient bons, ils souhaitent uniquement qu’ils soient intéressés.

        Il y a deux « écoles » de la motivation, si je puis dire. L’une croit en une motivation interne, propre à l’individu. Comme le désir, confondu avec l’instinct, on imagine que cela vient de soi. Mon désir m’appartient, il est propre à ma personne, il est inné. C’est fou ce qu’on a tendance à s’en remettre à l’inné dans une institution qui a pour mission de diffuser et de faire assimiler des connaissances ! Qu’est-ce que c’est que ces enseignants qui comptent que le travail se fasse tout seul, grâce au don, grâce à la nature et ses soi-disant motivations naturelles ? Éliminons sans hésitation cette première « école », elle n’est manifestement pas sérieuse.

        La deuxième croit en une autre motivation interne, celle-ci est propre à l’institution. L’élève travaille pour la note, pour le conseil de classe, pour le passage, pour l’examen final. Évidemment, énoncée comme cela, la proposition est un peu indécente : on dira, plus hypocritement, que l’élève travaille pour lui-même (clin d’œil à la première « école »), ce qui revient à dire qu’il travaille pour « sa » note, pour « son » passage, pour « son » examen. Nous sommes toujours en circuit fermé. L’école (la grande !) trouve ainsi moyen de s’autojustifier.

        Et la vocation dans tout cela ? Si, par hasard, elle apparaît chez un individu, croyez-vous qu’elle nous fera une belle motivation ? Cela dépend. Si la vocation est interne à l’école, assimilable par  celle-ci, par  exemple : la vocation pour  les mathématiques (on appelle cela une bosse...), alors miracle, l’élève est encouragé, récompensé, félicité, montré comme un modèle. Si, en revanche, la vocation est externe, si son origine n’est pas liée à l’école (comme la musique, la danse, la peinture, le sport, le cirque...), alors il faut impérativement ramener l’élève à ses priorités : passe ton bac d’abord, ça n’est pas avec la danse que tu auras un métier, la trigonométrie et la reproduction des haricots semblent bien plus sérieuses et autrement nécessaires dans la vie que les entrechats, etc. C’est bien triste, mais que voulez-vous que le système éducatif réponde d’autre ? La plus belle fille du monde, elle non plus...

        Et si, maintenant, la source de la motivation n’était pas interne, mais externe ? Cela expliquerait bien des choses... Apprendre, c’est un appel de l’extérieur. On ne peut pas donner de meilleure définition du désir. Cet appel doit être « médiatisé » : ce que je vais désirer doit m’être désigné par quelqu’un. « Quand je serai grand, je serai comme mon papa. »  L’enfant exprime très clairement et très complètement son désir. Le reste n’est que mise en forme et jeu de circonstances. Si je veux apprendre, il faut que je voie quelqu’un qui sait et il faut que je veuille l’imiter. Il me faut un modèle. Ce modèle va me montrer la démarche. Je vais tout faire pour être comme lui. Si je veux être sportif, c’est sûrement parce qu’un jour, peut-être il y a longtemps, j’ai vu un athlète qui m’a fasciné et je n’ai de cesse de devenir ce qu’il a été à mes yeux.

     

    Extrait de mon essai Le Maître des désirs.

     

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