• Aveuglement sacrificiel 

     

     

     

    Le criminel Mao

     

    Tandis que Mao Zedong assassinait son peuple ― on ne sait pas si sa brillante politique a fait, au bout du compte, 70 ou 100 millions de morts ―, des intellectuels français criaient au génie. Jean-Paul Sartre vendait La cause du Peuple dans les rues, André Malraux qualifiait Mao de « géant du siècle » et Valérie Giscard d’Estaing voyait en lui un « phare de la pensée ».

       Que n’avaient-ils lu Le Petit Livre rouge dans lequel le génie du XXe siècle osait déclarer, entre autres inepties : « Il vaut mieux exécuter un innocent que de prendre le risque de laisser un coupable en liberté. » Prendre le risque pour qui ? Pour lui, bien sûr, le Grand timonier ! Il voyait des coupables partout, et c’est ainsi qu’il a poussé la moitié de son peuple (la jeunesse) contre l’autre moitié (leurs parents) et qu’il a déclenché des massacres. Brillant visionnaire, en effet. C’était en réalité un bourreau très classique dont la violence effrénée aveuglait tous les naïfs ― surtout ceux qui vivaient bien en sécurité, en France, à plus de 8 000 km de la tragédie.

     

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  • Shakespeare

     

    L’amour qui se donne 

     

    Olivia*. O ! what a deal of scorn looks beautiful

    In the contempt and anger of his lip !

    A murderous guilt shows not itself more soon,

    Than love that would seem hid : love’s night is noon.

    Cesario, by the roses of the spring,

    By maidhood, honor, truth, and everything,

    I love thee so, that, maugre all thy pride,

    Nor wit nor reason can my passion hide.

    Do not extort thy reasons from this clause,

    For that I woo, thou therefore hast no cause,

    But rather, reason thus with reason fetter :

    Love sought is good, but given unsought better.

     

    OLIVIA. – Oh ! comme tout ce dédain paraît beau

    Sur sa lèvre méprisante et indignée !

    La culpabilité du meurtrier ne se révèle pas aussi prompte

    Que l’amour qui veut se cacher : la nuit de l’amour brille comme en plein midi.

    Césario, par les roses du printemps,

    Par la virginité, par l’honneur, par la sincérité et tout le reste,

    Je t’aime tant que, malgré ta fierté,

    Ni l’esprit ni la raison ne peuvent dissimuler ma passion.

    N’en profite pas pour me repousser,

    Car si je te courtise, tu n’as aucune raison pour cela ;

    Mais raisonne plutôt selon cette prescription :

    L'amour que l’on recherche est bon, mais celui qui se donne

         sans l’on l’ait recherché est combien meilleur ! 

     

    * La comtesse s’adresse à Viola, habillée en Césario, qu’elle prend pour un garçon, et dont elle est follement éprise. 

     

    Twelfth Night, III, 1, 150-161.

     

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  • École 

     

     

    La mixité sociale 

     

    On parle aujourd’hui de « séparatisme scolaire » pour décrire le fossé qui se creuse entre l’enseignement public (parent pauvre) et l’enseignement privé (censé être réservé aux riches). « La ségrégation sociale et scolaire est  le véritable fléau de l’école en France », écrivent François Dubet et Najat Vallaud-Belkacem (Le Ghetto scolaire, éd. Seuil, 2024). Et ils soulignent dans une interview à Télérama (n° 3868 du 2 au 8 mars 2024) que « 10% des collèges concentrent à eux seuls près de 60% des enfants d’ouvriers et d’inactifs. »

       On en revient toujours à l’idée que l’égalité dans la société se prépare à l’école, mieux encore : elle en dépend. C’est le mythe éternel (très français) de l’école réparatrice des maux de la société ! La théorie est simple : mélangez les « moins bons » avec les « excellents » et le niveau général va « monter ». J’ai connu, dans ma carrière, des expériences diverses et cela ne m’a jamais convaincu. Si cela est avéré, j’en attends encore la démonstration.

       Quand l’enseignant est entièrement dévoué aux élèves en difficulté, il en oublie les meilleurs dont il espère qu’ils se débrouilleront tout seuls. Et c’est là que la « démonstration » est perverse : ils se débrouillent effectivement tout seuls ! En réalité, la « pompe aspirante » que représentent les « bons élèves » ne fonctionne pas, la différence entretient plutôt la jalousie et le ressentiment des « élèves à la traîne ». Et pourquoi d’ailleurs, serait-ce aux bons élèves, qui le sont souvent par leur travail et leur mérite, de réparer les fautes de la société ? Lâcheté ou aveu d’impuissance ?

       On a beau gommer les notes, en minimiser l’importance, toute remise de devoir ressemble à un résultat de concours, avec classement : les élèves se comparent. C’est inévitable. Cela nous prépare mal à une société harmonieuse dans le futur. J’ai même, quelquefois, assisté à une « compétition à l’envers » : le mépris des mauvais élèves pour les plus favorisés entraînant une sorte de « contre-performance », par défi, par une inversion de la fierté. Certains élèves préfèrent boycotter le système (et se nuire à eux-mêmes) plutôt que de risquer la comparaison dégradante.

       Je crois beaucoup plus à la présence concrète du maître, à son aide personnalisée, à son dévouement au sens large, pour amener les élèves sur la « voix du succès » (expression ridicule) qu’au mimétisme des élèves où l’imitation du « vainqueur » est censée être un encouragement à la troupe qui suit... Je ne suis même pas sûr que cette stratégie soit bonne à la guerre !

       La mixité sociale ? Dans mon cas, cela a failli me conduire à une déscolarisation complète. À 9 ans c’était dans les années 1950 , je venais de ma campagne, où il n’y avait que deux classes primaires, et je partageais celle du « certificat d’études ». Manifestement, je suivais parfaitement le programme... Arrivé à Juvisy, banlieue sinistre, « on » a cru bon de me mettre dans la « classe de certificat d’études », plutôt qu’en CM2, et je me suis retrouvé avec des petits loubards qui se sont empressés de me harceler parce que j’étais plus brillant qu’eux, avec quatre ans de moins ! J’étais désespéré. Mes résultats scolaires se sont effondrés, j’ai redoublé ma classe, et c’est un instituteur merveilleux, la deuxième année, qui m’a sorti la tête de l’eau. Ma scolarité, ensuite, a été sans problème. Au lycée, j’ai retrouvé un « bain culturel » stimulant qui m’a permis de devenir ce que je suis.

       Mon expérience a-t-elle un sens ? Je n’ai rien contre un système de « bussing » à l’américaine pour rapprocher les établissements. Mais le strict mélange des élèves dans la classe ne me paraît pas la solution.

     

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  • Réciprocité

     

    Le partage plutôt que l’échange

     

    Selon la théorie du sociologue Marcel Mauss, toutes les économies, voire toutes les relations sociales, ou simplement humaines, sont liées  à l'échange, ce qu’il appelle « le don et le contre-don ». On peut opposer à cette thèse l’amour du prochain qui est inconditionnel

       On trouve bien, dans la doxa chrétienne, la notion de rétribution, du genre « cela vous sera rendu en centuple », mais ce n'est pas, je crois, ce que Jésus dit, même quand il parle de notre place à côté du Père. Nous ne sommes pas appelés à aimer notre prochain parce qu'il y a un bonus au bout... Il faut se rappeler ici la parabole de « l’ouvrier de la onzième heure » payé à l’égal de celui de la première heure (Matthieu 20, 1-16). Jésus casse complètement la notion d’équité qui n’est, en définitive, qu’un dérivatif de la loi du Talion, « œil pour œil », « tant pour tant ». 

       Le seul parallèle que fait Jésus, la seule symétrie que l’on trouve dans ses propos, c'est « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Cela ne correspond pas à un système de don-contre-don mais à une identification de Moi à l’Autre. Il n’y a pas échange entre nous, mais partage total. La nuance est mieux que marginale !

     

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  • Sacrifice civilisationnel 

     

     

    Mozart assassiné

     

    Parmi les Juifs exterminés par les nazis il y a quatre-vingts ans, avec les Tziganes et les homosexuels, parmi les victimes des Khmers rouges, et les millions de victimes des Chinois communistes, parmi les émigrés rejetés à la mer par milliers aujourd’hui, combien de génies ont disparu, ou disparaissent ? Génies mathématiques, musiciens hors pair, artistes et créateurs indispensables au progrès de notre humanité. L’estimation est évidemment impossible, et pourtant le fait est incontournable.

       De quoi l’Europe se prive-t-elle quand elle ferme ses frontières aux migrants ? Comment les conservateurs, réactionnaires, archaïques, comptent-ils jouir de leur reproduction endogène ? Comment les « modérés » préconisent-ils une émigration « maîtrisée », ne voulant retenir que les médecins et les scientifiques déjà diplômés et refusent-ils les autres ? Qui sait reconnaître un génie d’une simple « bouche à nourrir » ?

       Je ne nie pas, en voyant l’exemple de Mayotte, que nous ne sommes pas à l’abri d’abus de chantage victimaire de la part des « économiquement faibles ». Comme pour à peu près tout ce qui se passe sur la planète, nous sommes entièrement responsables de ce qui advient, du réchauffement climatique aux débordements migratoires. On ne peut pas, effrontément, ne rien décider pour le climat et tout interdire pour les migrants.

       Le XXIème siècle est celui des choix fatals. Et ceux que nous n’aurons pas faits seront encore plus lourds de conséquences que ceux que nous aurons faits.

     

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