• Chanson

     

     

    Les trois bons Samaritains 

         Elle est à toi, cette chanson
         Toi, l’Auvergnat qui, sans façon
         M’as donné quatre bouts de bois
         Quand dans ma vie il faisait froid
         Toi qui m’as donné du feu quand
         Les croquantes et les croquants
         Tous les gens bien intentionnés
         M’avaient fermé la porte au nez

         Ce n’était rien qu’un feu de bois
         Mais il m’avait chauffé le corps
         Et dans mon âme il brûle encore
         À la manière d’un feu de joie
     

         Toi, l’Auvergnat quand tu mourras
         Quand le croque-mort t’emportera
         Qu’il te conduise, à travers ciel
         Au Père éternel
     

         Elle est à toi, cette chanson
         Toi, l’hôtesse qui sans façon
         M’as donné quatre bouts de pain
         Quand dans ma vie il faisait faim
         Toi qui m’ouvris ta huche quand
         Les croquantes et les croquants
         Tous les gens bien intentionnés
         S’amusaient à me voir jeûner

         Ce n’était rien qu'un peu de pain
         Mais il m’avait chauffé le corps
         Et dans mon âme il brûle encore
         À la manière d’un grand festin
     

         Toi l’hôtesse quand tu mourras
         Quand le croque-mort t’emportera
         Qu’il te conduise à travers ciel
         Au Père éternel
     

         Elle est à toi cette chanson
         Toi, l’étranger qui sans façon
         D’un air malheureux m’as souri
         Lorsque les gendarmes m’ont pris
         Toi qui n'as pas applaudi quand
         Les croquantes et les croquants
         Tous les gens bien intentionnés
         Riaient de me voir amené

         Ce n’était rien qu’un peu de miel
         Mais il m’avait chauffé le corps
         Et dans mon âme il brûle encore
         À la manière d’un grand soleil
     

         Toi l’étranger quand tu mourras
         Quand le croque-mort t’emportera
         Qu’il te conduise, à travers ciel
         Au Père éternel

     

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  • La violence sans le sacré

     

     

    Sacrifice sans bénéfice

     

    La théorie des « épreuves qui nous rendent plus forts » fleurit à qui mieux mieux sur les réseaux sociaux. Elle est le pendant de la théorie du Moi-Je souverain qui se « construit » tout seul. Elle est le reflet de l’idéologie courante de l’individualisme moderne. Et pourtant, elle traîne derrière elle des relents archaïques de sacrifice et de renoncement. C’est la vieille antienne du mal d’où peut sortir un bien.

       Appliquée à l’éducation, cette théorie est désastreuse. Longtemps l’éducateur a suivi la maxime « qui aime bien châtie bien », et il croyait qu’il devait faire souffrir ses élèves pour qu’ils progressent. L’adoucissement des mœurs est venu à bout de cette cruauté injustifiée. La souffrance endurée n’enseigne qu’à souffrir, et rien d’autre. D’où vient, alors, que ce vieux réflexe sacrificiel fasse encore recette ? Alors qu’on ne l’applique plus à autrui sous peine de harcèlement et autres anathèmes, les petits selfiques se s’infligent à eux-mêmes. La « morale » s’est apparemment intériorisée. À moins que cela ne soit que pur masochisme autre versant de l’individualisme aveugle.

     

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  • Shakespeare

     

     

     

    Le ‘degree’ .1/3.  

     

    Premier discours d’Ulysse dans Troïlus et Cressida (I, 3, 83-111) :

     

    Ulysses.                      Degree being visarded, 
    The unworthiest shows as fairly in the mask.
    The heavens themselves, the planets and this centre
    Observe degree, priority and place,
    Insisture, course, proportion, season, form,
    Office and custom, in all line of order. 

    […]               O, when degree is shak’d,
    Which is the ladder to all high designs,
    Then enterprise is sick. How could communities,
    Degrees in schools and brotherhoods in cities,
    Peaceful commerce from dividable shores,
    The primogenitive and due of birth,
    Prerogative of age, crowns, sceptres, laurels,
    But by degree, stand in authentic place ?
    Take but degree away, untune that string,
    And, hark, what discord follows ! each thing meets
    In mere oppugnancy

     

    ULYSSE. ―              Quand la bonne échelle disparaît

    Sous un masque, le plus indigne paraît l’égal du plus noble.

    Les cieux eux-mêmes, les planètes et le soleil

    Respectent l’échelle, la priorité, la position,

    La pérennité, le mouvement, la proportion, la saison, la forme,

    La fonction et la coutume sur toute la ligne.

    [...]             Mais que la bonne échelle vienne à être dérangée,

    Elle qui sert de mesure à tous les grands desseins,

    Alors, toute l’entreprise est malade. Comment les communautés,

    Les niveaux dans les écoles, les confréries dans les villes,

    Le commerce pacifique entre concurrents,

    Le droit d’aînesse dû à la naissance,

    Les prérogatives de l’âge, les couronnes, les sceptres, les lauriers,

    Sans cette mesure, pourraient-ils tenir à leur place juste ?

    Écartez-vous de la mesure, désaccordez cette corde,

    Et écoutez la cacophonie qui survient ! Tout, tout à coup,

    Est réduit à l’affrontement… 

     

    Le ‘degree’ est traduit par « hiérarchie » par François-Victor Hugo. Il s’agit de la perte des différences, ou l’indifférenciation, comme l’appelle René Girard. 

     

     

     

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  • Désacralisation

     

    La fin de l’Histoire

     

    On s’est moqué, on se moque encore, de la proposition de Francis Fukuyama (1992) selon laquelle nous aurions atteint, avec la chute de l’empire soviétique, « la fin de l’histoire ». Évidemment, la disparition du communisme réel (et encore pas partout) ne s’est pas accompagnée du triomphe du capitalisme et de l’avènement de la paix sur la Terre. Le capitalisme a connu plusieurs crises sérieuses depuis 30 ans (la plus grave ayant eu lieu entre 2008 et 2012) et la paix, c’est le moins qu’on puisse dire, est loin, très loin de tout accomplissement. La guerre est partout.

       On peut alors s’interroger : dans quelle espèce d’histoire sommes-nous entrés ? Nous avons progressé dans la compréhension de la vanité et de la vacuité de la violence, mais on nous offre encore quotidiennement le spectacle de guerres avec de vrais chars, de vrais soldats et de vrais morts... tandis que la méconnaissance craque de partout. Nous sommes dans un entre-deux tragique, un peu risible, révélateur d’une mutation radicale. La « conversion » s’ébauche péniblement mais sûrement. Nous avons changé de siècle, presque de millénaire, mais manifestement nous n’avons pas encore perdu nos réflexes agressifs. La coexistence de la violence et de sa désacralisation est caractéristique de l’Apocalypse. C’est le passage, par l’absurde, de la Révélation à la Lumière.

     

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  • L’enfer mimétique

     

     

     

    Les réseaux sociaux sous contrôle*

     

    Là où la morale chrétienne n’a jamais eu cours, les choses sont bien pires. En Chine, qui est le pays le plus athée de la planète depuis longtemps, le contrôle des individus ne se fait pas par leurs pairs (avec la lutte classique des égos égaux) mais par un « pouvoir central » omniscient, omnipotent, un pouvoir absolu qui s’est arrogé tous les attributs de Dieu. Attributs que nul ne peut lui contester puisque Dieu a été éliminé comme alternative ou contre-pouvoir. Il ne s’agit donc pas d’un pouvoir central à proprement parler (l’abus de langage fait partie du système répressif), mais d’un pouvoir vertical, très autoritaire, qui « tombe du ciel comme l’éclair ». Dieu n’ayant pas droit de cité, c’est bien Satan qui est à la manœuvre. C’est l’enfer garanti.

       On avait imaginé l’enfer, autrefois en Occident, comme un lieu de désordre affolant**, il est en réalité très policé, très calme, tout le monde y applaudit le chef suprême en même temps et sur le même rythme. Il n’y a pas d’ordre plus implacable et plus fascinant.

       Curieusement, les deux mondes qui s’opposent, celui du désordre absolu de la « libre expression » et celui de l’ordre imperturbable de la censure totale, se ressemblent comme deux jumeaux mimétiques. Tik Tok et X, même combat !

     

    * Voir article ci-après.

    ** Si bien représenté par Jérôme Bosch.

     

     

     

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