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Par hillion le 21 Mars 2024 à 09:58
Chanson
Les trois bons Samaritains
Elle est à toi, cette chanson
Toi, l’Auvergnat qui, sans façon
M’as donné quatre bouts de bois
Quand dans ma vie il faisait froid
Toi qui m’as donné du feu quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
M’avaient fermé la porte au nezCe n’était rien qu’un feu de bois
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d’un feu de joieToi, l’Auvergnat quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise, à travers ciel
Au Père éternelElle est à toi, cette chanson
Toi, l’hôtesse qui sans façon
M’as donné quatre bouts de pain
Quand dans ma vie il faisait faim
Toi qui m’ouvris ta huche quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
S’amusaient à me voir jeûnerCe n’était rien qu'un peu de pain
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d’un grand festinToi l’hôtesse quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise à travers ciel
Au Père éternelElle est à toi cette chanson
Toi, l’étranger qui sans façon
D’un air malheureux m’as souri
Lorsque les gendarmes m’ont pris
Toi qui n'as pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
Riaient de me voir amenéCe n’était rien qu’un peu de miel
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d’un grand soleilToi l’étranger quand tu mourras
Quand le croque-mort t’emportera
Qu’il te conduise, à travers ciel
Au Père éternel
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Par hillion le 20 Mars 2024 à 09:57
La violence sans le sacré
Sacrifice sans bénéfice
La théorie des « épreuves qui nous rendent plus forts » fleurit à qui mieux mieux sur les réseaux sociaux. Elle est le pendant de la théorie du Moi-Je souverain qui se « construit » tout seul. Elle est le reflet de l’idéologie courante de l’individualisme moderne. Et pourtant, elle traîne derrière elle des relents archaïques de sacrifice et de renoncement. C’est la vieille antienne du mal d’où peut sortir un bien.
Appliquée à l’éducation, cette théorie est désastreuse. Longtemps l’éducateur a suivi la maxime « qui aime bien châtie bien », et il croyait qu’il devait faire souffrir ses élèves pour qu’ils progressent. L’adoucissement des mœurs est venu à bout de cette cruauté injustifiée. La souffrance endurée n’enseigne qu’à souffrir, et rien d’autre. D’où vient, alors, que ce vieux réflexe sacrificiel fasse encore recette ? Alors qu’on ne l’applique plus à autrui sous peine de harcèlement et autres anathèmes, les petits selfiques se s’infligent à eux-mêmes. La « morale » s’est apparemment intériorisée. À moins que cela ne soit que pur masochisme ― autre versant de l’individualisme aveugle.
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Par hillion le 19 Mars 2024 à 11:53
Shakespeare
Le ‘degree’ .1/3.
Premier discours d’Ulysse dans Troïlus et Cressida (I, 3, 83-111) :
Ulysses. Degree being visarded,
The unworthiest shows as fairly in the mask.
The heavens themselves, the planets and this centre
Observe degree, priority and place,
Insisture, course, proportion, season, form,
Office and custom, in all line of order.[…] O, when degree is shak’d,
Which is the ladder to all high designs,
Then enterprise is sick. How could communities,
Degrees in schools and brotherhoods in cities,
Peaceful commerce from dividable shores,
The primogenitive and due of birth,
Prerogative of age, crowns, sceptres, laurels,
But by degree, stand in authentic place ?
Take but degree away, untune that string,
And, hark, what discord follows ! each thing meets
In mere oppugnancy…ULYSSE. ― Quand la bonne échelle disparaît
Sous un masque, le plus indigne paraît l’égal du plus noble.
Les cieux eux-mêmes, les planètes et le soleil
Respectent l’échelle, la priorité, la position,
La pérennité, le mouvement, la proportion, la saison, la forme,
La fonction et la coutume sur toute la ligne.
[...] Mais que la bonne échelle vienne à être dérangée,
Elle qui sert de mesure à tous les grands desseins,
Alors, toute l’entreprise est malade. Comment les communautés,
Les niveaux dans les écoles, les confréries dans les villes,
Le commerce pacifique entre concurrents,
Le droit d’aînesse dû à la naissance,
Les prérogatives de l’âge, les couronnes, les sceptres, les lauriers,
Sans cette mesure, pourraient-ils tenir à leur place juste ?
Écartez-vous de la mesure, désaccordez cette corde,
Et écoutez la cacophonie qui survient ! Tout, tout à coup,
Est réduit à l’affrontement…
Le ‘degree’ est traduit par « hiérarchie » par François-Victor Hugo. Il s’agit de la perte des différences, ou l’indifférenciation, comme l’appelle René Girard.
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Par hillion le 18 Mars 2024 à 10:31
Désacralisation
La fin de l’Histoire
On s’est moqué, on se moque encore, de la proposition de Francis Fukuyama (1992) selon laquelle nous aurions atteint, avec la chute de l’empire soviétique, « la fin de l’histoire ». Évidemment, la disparition du communisme réel (et encore pas partout) ne s’est pas accompagnée du triomphe du capitalisme et de l’avènement de la paix sur la Terre. Le capitalisme a connu plusieurs crises sérieuses depuis 30 ans (la plus grave ayant eu lieu entre 2008 et 2012) et la paix, c’est le moins qu’on puisse dire, est loin, très loin de tout accomplissement. La guerre est partout.
On peut alors s’interroger : dans quelle espèce d’histoire sommes-nous entrés ? Nous avons progressé dans la compréhension de la vanité et de la vacuité de la violence, mais on nous offre encore quotidiennement le spectacle de guerres avec de vrais chars, de vrais soldats et de vrais morts... tandis que la méconnaissance craque de partout. Nous sommes dans un entre-deux tragique, un peu risible, révélateur d’une mutation radicale. La « conversion » s’ébauche péniblement mais sûrement. Nous avons changé de siècle, presque de millénaire, mais manifestement nous n’avons pas encore perdu nos réflexes agressifs. La coexistence de la violence et de sa désacralisation est caractéristique de l’Apocalypse. C’est le passage, par l’absurde, de la Révélation à la Lumière.
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Par hillion le 17 Mars 2024 à 10:23
L’enfer mimétique
Les réseaux sociaux sous contrôle*
Là où la morale chrétienne n’a jamais eu cours, les choses sont bien pires. En Chine, qui est le pays le plus athée de la planète depuis longtemps, le contrôle des individus ne se fait pas par leurs pairs (avec la lutte classique des égos égaux) mais par un « pouvoir central » omniscient, omnipotent, un pouvoir absolu qui s’est arrogé tous les attributs de Dieu. Attributs que nul ne peut lui contester puisque Dieu a été éliminé comme alternative ou contre-pouvoir. Il ne s’agit donc pas d’un pouvoir central à proprement parler (l’abus de langage fait partie du système répressif), mais d’un pouvoir vertical, très autoritaire, qui « tombe du ciel comme l’éclair ». Dieu n’ayant pas droit de cité, c’est bien Satan qui est à la manœuvre. C’est l’enfer garanti.
On avait imaginé l’enfer, autrefois en Occident, comme un lieu de désordre affolant**, il est en réalité très policé, très calme, tout le monde y applaudit le chef suprême en même temps et sur le même rythme. Il n’y a pas d’ordre plus implacable et plus fascinant.
Curieusement, les deux mondes qui s’opposent, celui du désordre absolu de la « libre expression » et celui de l’ordre imperturbable de la censure totale, se ressemblent comme deux jumeaux mimétiques. Tik Tok et X, même combat !
* Voir article ci-après.
** Si bien représenté par Jérôme Bosch.
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