• Miséricorde

     

    Toute l’injustice du monde

     

    « J’avais faim et vous ne m’avez pas donné de pain ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; j’étais malade, et vous ne m’avez pas visité ; j’étais en prison et vous n’êtes pas venu vers moi... » 

                              Matthieu 25, 42-43.

     

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  • Notes de lecture

     

         Vers la « civilisation de l’universel »,

         essai de Souleymane Bachir Diagne

     

    « La sarabande des cultures innombrables et équivalentes, chacune se justifiant dans son propre contexte, crée un monde, certes, dés-occidentalisé, mais aussi un monde désorienté. » (1)

       Notre monde, en se désacralisant, a non seulement perdu ses repères, il a aussi perdu sa « direction ». Nous voyons bien tout ce qui se fissure, disparaît, et s’effondre avec la perte du sacré, mais nous ne voyons plus l’issue. La notion même de progrès est devenue obsolète. Comme si nous avions, en relativisant toutes nos valeurs, dévalué l’essentiel : que nous sommes tous ensemble d’une seule espèce, et elle est vulnérable. 

       Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne(2), bon lecteur de Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire et Pierre Teilhard de Chardin, vient de publier un ouvrage majeur sur la notion d’universel. Il nous rappelle nos fondamentaux, et bouscule nos petits discours sur « les diversités ».  Il ne vient pas nous resservir la compote indigeste du mélange des cultures et autres « droits à la différence » ; il vise, comme le poète sénégalais, « la civilisation de l’universel ». Il se demande aussi, après Aimé Césaire, comment « fonder l’humanisme universel ». Il a compris que « quand l’agora n’est plus que l’espace de performances identitaristes, le sens lui-même se brise en fragments ». Comment sortir d’un « monde de tribus » ? Il admet que l’universalité que nous visons ne peut pas « construire sa légende sur le grand partage de l’humanité, mais seulement sur une humanité partagée ». Toute la différence est là ! Comment endiguer, et diriger vers « un monde plus beau », cette vague de fond de l’espèce humaine, depuis ses origines, comment atteindre son unité parfaite ? « Après l’hominisation de la planète, l’Homme a la responsabilité de son humanisation », dit-il. Sans le dire explicitement, il évoque l’Oméga de Teilhard de Chardin.

       Parlant de décentrement nécessaire, il insiste : « L’ethnologue qui découvre une civilisation comme civilisation […] effectuera aussi un retour sur soi et sur sa propre situation culturelle. Ceux et celles qu’il avait d’abord vus comme autres pourront maintenant lui apparaître comme mêmes. »

       La question du désir se pose donc. Les civilisations passées se sont toutes constituées dans la rivalité et les guerres, par opposition les unes aux autres, ne nous laissant aucun moyen de concevoir de fondements culturels communs. Nous avons renoncé (au moins, un bon nombre d’entre nous) à la violence aveugle, et nous cherchons pour quoi nous battre ? Il s’agit, propose Souleymane Bachir Diagne, d’« avoir conscience du monde et [d’] en avoir envie ». La formule est redoutablement simple. Comment faire « cause commune » ? Avec quels moyens ? La question est fondamentale. La réponse est lumineuse et évidente : par nos moyens propres. Le sous-titre de l’ouvrage de Souleymane Bachir Diagne en dit long : « L’humanité par les moyens d’humanité ». Il est inspiré du proverbe sénégalais « NITT, NITTAY GARABAM » qu’on peut traduire par « L’humain est le remède de l’humain. » Cela renvoie à l’incontournable Ubuntu vanté par Nelson Mandela. Les solutions viennent de partout. « Maintenant que l’universel est vraiment là, on ne veut pas le reconnaître », avait reconnu René Girard. Cet aveuglement est fatal.

       L’avenir n’est pas devant nous, il est au-dessus de nous. Et il va falloir viser haut. C’est pourquoi le philosophe conclut avec ses belles paroles de Blaise Pascal : « L’homme passe infiniment l’homme. » 

     

    (1) Emmanuel Levinas, Humanisme de l’autre homme. 

    (2) Souleymane Bachir Diagne, Universaliser, « L’humanité par les moyens d’humanité », Éditions Albin Michel, 2024.

     

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  • Shakespeare 

     

    Conscience douloureuse

     

    Comme beaucoup de personnages de Shakespeare, et sans doute plus que les autres, Hamlet est torturé par sa conscience jamais en repos.

     

    Hamlet. Denmark’s a prison.

    Rosencrantz. Then is the world one.

    Hamlet. A goodly one ; in which there are many confines, wards, and dungeons, Denmark being one of the worst.

    […]

    O God ! I could be bounded in a nut-shell, and count myself a king of infinite spaces, were it not that I have bad dreams.

     

    HAMLET. – Le Danemark est une prison.

    ROSENCRANZT. – Alors, le monde aussi en est une.

    HAMLET. – Et une sacrée prison ! avec quantité de cachots, de cellules et d’oubliettes : le Danemark est l’une des pires.

    [...]

    Ô Dieu ! Si j’étais enfermé dans une noix, je me sentirais encore un roi aux horizons infinis, si je n’avais pas ces cauchemars...

     

                                                  Hamlet, II, 2, 245-258.

     

     

     

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  • Sacrifiée

    Fashion week in Paris

     

    Où est passée la beauté ?

     

    Tout est moche. Nous ne savons plus « créer » de la beauté. Ni dans les arts visuels, ni au cinéma, ni dans la mode, ni dans le design, ni en littérature, il semble que les « artistes » ne savent plus rien faire que du moche. La nature est défigurée et les entrées des villes sont des champs d’entrepôts aux couleurs dégoûtantes.  « La vérité, la beauté, la justice, la compassion sont des biens toujours, partout », affirmait Simone Weil (La personne et le sacré). Nous avons renoncé au bien.

       Shakespeare, en son temps, craignait déjà pour la beauté, qu’il savait fragile et périssable. Ainsi écrit-il au sonnet 65 :

     

    How with this rage shall beauty hold a plea,
    Whose action is no stronger than a flower ?
     

    Devant tant de fureur, que pourra la beauté,

    Elle qui n'a pas plus de force qu'une fleur ? 

     

     

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  • Les droits et leurs limites 

     

    Déclaration des Obligations de l’homme

     

    « Un droit n’est pas efficace par lui-même, mais seulement par l’obligation à laquelle il correspond ; l’accomplissement effectif d’un droit provient non pas de celui qui le possède, mais des autres hommes qui se reconnaissent obligés à quelque chose envers lui. L’obligation est efficace dès qu’elle est reconnue. […] Un droit qui n’est reconnu par personne n’est pas grand-chose. »

     

     

                     Simone Weil, L’enracinement (1943)

     

    Il est remarquable que Simone Weil parle d’obligation plutôt que de devoir. La nuance n’est pas anodine. En opposant droits et devoirs, comme on le fait le plus souvent, on en revient à une symétrie classique, un peu trop proche sans doute de la Loi du Talion. Le devoir est une contrainte extérieure, qui ne laisse aucun champ à la liberté de l’Autre. L’obligation est plutôt un sentiment personnel, intériorisé, celui de se sentir obligé. La reconnaissance est une dette, comme un échange donnant-donnant, tandis que l’obligation est une grâce, volontaire et gratuite.
       À l’heure où la revendication des droits est devenue de plus en plus violente, sait-on encore ce que c’est que d’être obligé ?

     

     

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