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Shakespeare
De l’origine de la culpabilité
Est-ce le fait du hasard, ou bien une extraordinaire intuition de la part de Shakespeare, on ne trouve pas trace de la culpabilité (du sens de la culpabilité) dans les pièces qui se passent avant Jésus-Christ. Qu’il s’agisse de Troïlus et Cressida (qui se situe pendant la guerre de Troie), de Coriolan (Ve siècle avant J.-C.), de Jules César, Antoine et Cléopâtre (Ier siècle avant notre ère), et évidemment de Titus Andronicus , d’après Sénèque (- 4 / + 65), le personnage de Titus étant de toute façon imaginaire. Quant au Songe d’une nuit d’été, il se passe dans une Grèce mythologique hors temps. La notion de péché ne semble effleurer personne. Le « sens de la faute » est un fait chrétien. Shakespeare en a-t-il tenu compte ?
Dans Jules César, le sacrifice de César est conforme à un sacrifice archaïque et tous les conjurés mettent leur main dans la plaie de l’empereur déchu ! Le « mécanisme victimaire » fonctionne mal, mais il est bien revendiqué comme un sacrifice.
Dans les grands drames violents écrits au début des années 1600, Shakespeare interroge le sacrifice. Macbeth découvre l’absurdité de la violence (signifying nothing) à ses dépens. Othello passe à deux doigts de comprendre (Oh, femme parjure ! / Tu me fais appeler / Un meurtre ce que je croyais être un sacrifice), mais Othello n’est pas chrétien.
Même les pires « rois chrétiens », avec en tête Richard III, sont dévorés par la culpabilité. Ainsi Richard III face à sa conscience : Tous mes péchés accumulés, chacun à son niveau, se pressent à la barre et crient : coupable ! coupable !
Il faut attendre la fin de la carrière de Shakespeare, et ses dernières pièces, Cymbeline, Un conte d’hiver et La Tempête, pour que la faute soit sublimée et le pardon accordé à tous : Oh, merveille ! / Combien de bonnes créatures sont rassemblées ici ! / Que l’humanité est belle !
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