• Méconnaissance 

     

    La croyance

     

    Ce qui mène le monde, ce n’est pas l’économie, ni l’argent, ni l’égoïsme, ni l’ambition, c’est la croyance ! Savoir ne sert à rien tant que l’on ne croit pas à la véracité de ce que l’on sait. Donc, fatalement, tout revient à nos croyances. Dangereuse faiblesse de notre rationalité.

       Pendant des millénaires, les humains se sont satisfaits de croire… que la terre était plate, que le tonnerre exprimait le courroux de Dieu, qu’il fallait sacrifier des vierges pour obtenir les bonnes grâces du ciel, etc. Tout ce qui nous semble absurde aujourd’hui était la logique courante et les civilisations, toutes sans exception, se sont construites sur ces fables, ces mythes et légendes. Et elles ont tenu longtemps. N’est-ce pas étonnant ? À quoi sert la vérité ? Apparemment, à pas grand-chose.

       Avec la désacralisation progressive du monde (c’est-à-dire l’évacuation des superstitions de nos têtes), la science a pu avancer et les humains ont appris à faire confiance à leurs connaissances acquises. « L’homme, allez savoir pourquoi, est tellement avide d’explications que la première forme stable venue le rassure. C’est prodige que, malgré cette pesanteur, il choisisse de s’en remettre à l’algèbre plutôt qu’à la numérologie quand il veut construire un pont ! »* L’expérience, et l’accumulation tragique des erreurs, ont sans doute convaincu les pauvres humains que leurs croyances étaient fragiles. Dernière étape : « l’homme moderne », positiviste, se méfie de la croyance comme de la peste — tout en étant convaincu qu’il tient là la bonne croyance.

       Mais le désenchantement du monde conduit aujourd’hui à une inversion dramatique des certitudes et ce sont les affabulations, les stories, les « narratifs », la contre-vérité, et tout ce que les influenceurs inventent avec une déroutante facilité, qui « mènent le monde ». L’archaïque revient en force. Les menteurs, les tricheurs, les calomniateurs n’ont jamais autant eu la part belle. Jusqu’aux plus hautes instances des États. L’imagination remplace le raisonnement, le présupposé devient vérité anticipée, l’intuition sert de guide, le soupçon et la peur, associés à la méchanceté toujours présente, l’emportent sur tout. Le ressentiment leur tient lieu de conscience. Et ils trouvent leur malveillance spontanée équivalente à de la sagesse.

     

    * Le Maître des désirs.

     

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