• Shakespeare

    Judi Dench as Viola-Cesario

     

    Twelfth-Night

     

    Pour Peter Hall, metteur en scène anglais, La Nuit des Rois est tellement bien écrite qu’elle est la pièce de Shakespeare qui ressemble le plus à du Mozart : the most Mozart-like of Shakespeare’s works (propos rapportés par Judi Dench qui a été son actrice). Tandis que W.H. Auden trouvait qu’elle faisait « partie des pièces déplaisantes de Shakespeare » (traduction française de Dominique Goy-Blanquet).

       La Nuit des Rois est un trésor de composition. Le Dramatis Personae est d’une complexité rare. Autour des deux personnages « sérieux », le Duc Orsino et la Comtesse Olivia, gravitent des individus fantasques, comme Malvolio et Sir Andrew Ague-Cheek, ou des jouisseurs-joueurs comme Feste le clown ou Sir Toby Belch le buveur invétéré et sa complice Maria. Au milieu de tout ce petit monde circule Viola, l’enfant perdue déguisée en garçon, ou plutôt en son frère jumeau — qu’elle réincarne, en quelque sorte, puisqu’elle le croit mort. Viola fait partie de ces enfants qui servent de go-between aux « grandes personnes », comme Puck dans Le Songe d’une nuit d’été.

       La pièce a été écrite par Shakespeare peu après son aventure malheureuse avec W.H., épisode de sa vie qu’il a consigné dans ses Sonnets. Comment Shakespeare parvient-il à transformer en comédie légère un événement qu’il a vécu dans la douleur ? À quel point s’est-il identifié à Orsino, le noble triste ? La Comtesse est-elle une version « adoucie » de la Dame Sombre ? Olivia peut être cruelle et franche mais elle finit par écouter son cœur et céder à ses désirs… Quant à Viola-Césario, il a tout d’un W.H., garçon-fille séduisant, intelligent, gracieux en tout point. Adolescent complaisant, il fait la navette entre les deux adultes toujours insatisfaits. Finalement, « c’est lui qui paie le prix », dit Shakespeare de W.H. dans le sonnet 134.

       Les rapprochements avec les Sonnets sont multiples et, comme toujours avec Shakespeare, détournés, subtilement réécrits. Transposant ses désirs de voir W.H. réincarné dans son descendant, Shakespeare fait dire à Viola qui admire la beauté de la Comtesse :

         Lady, you are the cruell’st she alive,

         If you will lead these graces to the grave

         And leave the world no copy.

       Nous sommes à deux doigts du mot à mot si nous comparons avec le sonnet 11 : Thou shouldst print more, not let that copy die. 

     

     

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