Crise du désir

Un reste de christianité

Je ne parle pas ici d’authentique foi chrétienne, mais  du vernis qui recouvrait encore notre urbanité jusqu’à la fin du siècle dernier. Cela n’a rien à voir avec le message de Jésus, mais plutôt avec ce que la culture européenne, héritière de 20 siècles de christianisme, véhiculait sans le savoir : le respect mutuel, et particulièrement le respect envers ses parents et « les anciens » en général, la reconnaissance de la différence et de l’autorité (le ‘degree’), la démocratie (tentative laïque de répandre l’égalité et la fraternité), les droits de l’homme...

   Le libéralisme, la société de consommation,  l’égoïsme proclamé comme un étendard, les revendications de « droits » de plus en plus individuels, la « chasse aux tabous » (soi-disant), ou tout simplement la fatigue de se tenir droit, ont eu raison de nos « bonnes manières », et comme un jardin abandonné est envahi par les ronces et les mauvaises herbes, notre belle civilisation ― les hommes des Lumières en étaient si fiers ― s’est effritée, dégradée, avilie, et c’est la violence spontanée, atavique, archaïque qui prend le dessus.

   De même qu’ils ont déjà pollué la planète, ils ont pollué nos mœurs, et ce n’est pas fini, certains pensent que tous les tabous ne sont pas tombés, qu’il y a encore trop de règles, que chacun a bien le droit de n’en faire qu’à sa tête (pauvre petite tête écervelée par tous les buzz qui nous infectent).

     Désemparés, ils élisent des « populistes » imbéciles (Trump, Bolsonaro, Milei), des incapables, qui aggravent le mal en prétendant incarnés le bien.

The time is out of joint : – O cursèd spite,

That ever I was born to set it right!

Le temps est sorti de ses gonds. Exécrable destin !

Faut-il que je sois né pour tout remettre d’aplomb ! 

                                                                 Hamlet, I, 5, 189-190.

   Je n’ai pas la force, à moi tout seul, de tout remettre d’aplomb.