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Notes de lecture
Dans le rôle de Billy Budd au cinéma,
j’aurais bien vu Timothy Bottoms.
Billy Budd, marin
d’Herman Melville
J’ai relu, après de longues années, la dernière œuvre d’Herman Melville, Billy Budd, marin, un roman très court de 138 pages. Et je suis frappé par la vision très « girardienne » que Melville pouvait avoir. Or, le livre a été achevé en 1891.
Tout y est. L’enceinte fermée du drame (tout se passe sur un bateau de guerre anglais navigant en Méditerranée à la fin du XVIIIe siècle, dans l’environnement très agité de la Révolution française), on y trouve aussi la jalousie entre officiers, le double bind du désir du capitaine d’armes, la crise mimétique qui couve (on soupçonne une mutinerie), la rumeur contagieuse, les persécutions gratuites, le bouc émissaire (un être hors du commun), le sacrifice de la victime innocente, la loi martiale convoquée comme un rite, le pardon des bourreaux (« Dieu bénisse le capitaine Vere », lance Billy Budd avant son exécution), le « retour à l’ordre » après le sacrifice, malgré l’abattement de l’équipage et la conscience déchirée du capitaine Vere. Sans compter les multiples références bibliques. Ainsi, parlant de l’aumônier qui officie aux derniers instants de Billy, Melville commente : « un aumônier est le ministre du Prince de la Paix servant dans l’armée du Dieu de la Guerre. »
Ce qui amplifie le trouble et l’intensité du drame, c’est que le choix du bouc émissaire tombe sur un « homme-enfant », le « beau marin », un être sublime et absolument pur. Billy Budd est à la fois objet de fascination et de détestation. Et en parfait chrétien qu’il était, Melville conçoit une « résolution sacrificielle » qui échoue : il la dénonce ouvertement.
Le choix de la beauté comme objet de scandale me rappelle, évidemment, le W.H. des Sonnets. Sonnet 70 :
On calomnie toujours les êtres les plus beaux.
La beauté est suspecte et cela nous fascine,
Comme un corbeau qui vole au milieu d’un ciel pur. [...]
Et toi, tu te présentes pur, immaculé.
Comme on pouvait s’y attendre, l’œuvre de Melville a eu peu de succès de son vivant (il en a beaucoup souffert), et Billy Budd encore moins. L’incompréhension était totale. L’adaptation de Peter Ustinov au cinéma (1962) est tout à fait catastrophique. Melville connaissait les limites de son génie. « Oui, il y a là un mystère », dit-il, parlant du destin de son héros sans tache.
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