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École
De l’admiration comme vertu pédagogique
Pour Giuseppe Fornari*, l’éducateur doit pouvoir répondre « au besoin le plus fort et le moins reconnu de l’homme, celui d’admirer et de suivre quelqu’un de toutes ses forces, le besoin littéralement d’adorer quelqu’un vu comme le dépositaire d’une supériorité divine, comme le dépositaire du ‘‘sens même de l’existence’’. » Est-ce trop demander à l’enseigneur, est-ce trop attendre de ses faibles « ressources humaines » que d’être tout à tous ? Mais pourquoi faudrait-il attendre moins de lui, ou attendre un peu seulement de son énergie, de sa vitalité, de sa foi ? Qui s’en croit incapable doit revisiter ses propres désirs. Qui s’imagine qu’il suffit de suivre la mode djeun’ pour « avoir le contact » ferait mieux de démissionner de l’Éducation nationale. Qui veut être copain avec son enfant devrait perdre ses « droits de paternité ». Le désir n’est pas un marchandage. L’éducation est une histoire d’amour ou bien c’est un simple mode d’emploi.
Plus poétiquement, George Steiner** avance : « Il y a des rêves, des transcendances […] possibles […]. Il faut toujours aller un peu plus loin, il faut que l’enfant tende le bras et la main. » L’enseigneur est la main qui saisit la main tendue. Il est aussi celui qui a provoqué cette tension, celui qui l’a permise. La « bonne éducation » ressemble à ces images pathétiques du tiers monde où l’on voit, devant un camion d’ONG distribuant des vivres, une kyrielle d’enfants rieurs et impatients tendant leurs mains avides. Éduquer, c’est distribuer des vivres, pareillement. Et la distribution ressemble toujours à ce corps à corps.
Avant d’enseigner les enfants, il faut aimer leur présence, leur réalité, leur être de chair. Il y a urgence à vivifier l’éducation, à réhabiliter les corps, alors que la technoscience s’acharne à dématérialiser les humains.
* Giuseppe FORNARI, Le marionette di Platone, La Spirale mimétique.
** George STEINER, Éloge de la transmission.
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