• Le bon Samaritain perverti 

     

     

     

    Monsieur Perrichon

     

    Le Voyage de Monsieur Perrichon est une comédie d’Eugène Labiche et Édouard Martin, représentée pour la première fois à Paris le 10 septembre 1860.  

       L’histoire débute à Paris, gare de Lyon. M. Perrichon, sa femme et sa fille, prennent pour la première fois le train, pour aller en vacances à Chamonix, à la Mer de Glace. À la gare, ils sont abordés par deux jeunes hommes, Armand Desroches et Daniel Savary, charmés par la fille de M. Perrichon, qui les avait rencontrés à un bal, peu avant. 

       Une lutte loyale mais acharnée commence entre les deux jeunes hommes, chacun voulant faire route avec la famille Perrichon pour gagner sa confiance et son affection, et ainsi la main d'Henriette. 

       À la Mer de Glace, Armand Desroches sauve la vie de Monsieur Perrichon tombé de cheval, et en est chaleureusement félicité par la famille, mais l'évocation de l'épisode semble gêner le beau-père en puissance. Voyant cela, Daniel Savary a une idée : il fait semblant de tomber dans une grotte et se fait sauver par M. Perrichon qui, très fier de lui, le prend désormais en affection et sous sa protection. 

    * 

       L’analyse mimétique de la pièce est facile à faire. Les deux jeunes prétendants entrent en rivalité pour les beaux yeux d’Henriette. Et le « duel » se déroule par le truchement du papa — à l’époque, c’était encore le père qui décidait qui devait épouser sa fille !  

       L’originalité de l’intrigue tient dans l’inversion de la séduction. Armand croit, naïvement, que Monsieur Perrichon lui sera reconnaissant de l’avoir sauvé. Il compte sur sa « gratitude naturelle ». Daniel renverse la situation et « se fait sauver » par le papa. Monsieur Perrichon n’en ressent pas autre chose que de l’orgueil. Il s’aime lui-même et, par ricochet, se prend d’affection pour Daniel. 

       Dans le premier cas, « le bon Samaritain », c’était Armand. Mais il ne parvient pas à se faire aimer. Dans le deuxième cas, « le bon Samaritain », c’est Monsieur Perrichon. Mais au lieu « d’aimer » son sauveur, Daniel sait qu’il peut en espérer un retour gratifiant. 

       Labiche et Martin jouent habilement de la parabole du bon Samaritain, pour un public bourgeois parisien du XIXe siècle suffisamment christianisé. Mais en retournant la situation, ils inversent aussi la « morale » : la gratitude ne vaut rien, seul l’intérêt paie. On peut dire qu’il s’agit là d’une perversion du message chrétien... dans un XIXe siècle capitaliste, « confit en dévotions », mais obnubilé par l’argent. 

     

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