• La quête d’identité

     

     

    Entre autonomie et appartenance

     

    Entre désir d’autonomie et libido d’appartenance, la quête d’identité est souvent un casse-tête. Pourtant, il me suffit de savoir que j’appartiens à l’espèce humaine pour me sentir grand, pour me sentir bien. Qu’ai-je besoin d’ajouter à mon nom une nationalité, une adresse, un métier, un sexe, des codes ? Je suis québécois à Montréal, je suis sénégalais à Dakar, je sens que je me féminise au contact doux des femmes, je suis enfant parmi les enfants.

       Pourquoi chercher ailleurs « ma » vérité ?

       ...Alors que nous était offerte

       La plus grande des découvertes : 

       L’homme semblable et différent !*

     

    * Gilles Vigneault

     

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  • Shakespeare

    Ben Carpenter as Malcolm, 2008 

     

    Le bon candidat

      

    Candidat désigné à la succession de Macbeth, Malcolm confesse toutes ses défauts qui feraient de lui un mauvais souverain : 

     

         Malcolm. But I have none ; the king-becoming graces,

         As justice, verity, temperance, stableness,

         Bounty, perseverance, mercy, lowliness,

         Devotion, patience, courage, fortitude,

         I have no relish of them.

     

         MALCOLM. – Des vertus nécessaires à un roi, je n’en ai aucune ;

         Comme la justice, la vérité, la tempérance, la stabilité,

         La bonté, la persévérance, la pitié, l’humilité,

         Le dévouement, la patience, le courage, la fermeté :

         Dans ces choses-là, je n’ai pas la moindre aptitude. 

                                                           Macbeth, IV, 3, 91-95. 

     

       Et Shakespeare, malin, énonce, par la voix de Malcolm qui s’excuse, quelles doivent être les vertus du Prince, justement. Cherchez la vérité.

      

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  • Petite complainte

     

    Buskaid

     

    Au secours les autres

     

         Je n’y arriverai pas tout seul.

         Parmi vous tous, qui m’entend ?

         Un seul suffira :

         Qu’il me laisse m’allonger sur sa musique,

         Que mon chant triste se confonde à son bonheur.

         À deux nous, nous serons multiples,

         Nous serons tous les autres à la fois.

         Je serai le violon, il sera l’archet

         Et nous vibrerons

         Jusqu’à l’accord final, l’accord parfait.

     

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  •  L’Homme-espèce

     

     

    Après l’Homme, l’Humanité...

     

    « Il n’y a pas plus de cinquante ans*, la Civilisation, parvenue à une sorte de paroxysme en Occident, faisait décidément mine de culminer en personnes séparées, c’est-à-dire en Individuation.

       Or c’est à ce moment précis qu’ont commencé à monter à l’horizon, pareilles à des nuées chargées à la fois d’orages et de promesses, les grandes forces, encore insoupçonnées, de Totalisation**.

       Les signes avant-coureurs (en tous domaines : économique, politique et philosophique) se multiplient pour nous avertir que la Socialisation, bien loin (comme nous nous en flattions) de se domestiquer confortablement à notre usage privé, poursuit de plus belle sa marche en avant, suivant un processus irrépressible d’unification.

       L’Humanité se trouve prise, ainsi qu’en un engrenage, au cœur d’un « vortex » toujours accéléré de totalisation sur elle-même. Une crainte réellement « mortelle » tend à s’emparer de nous : crainte de perdre notre « petit moi ».

       Tous ces symptômes impressionnants justifient, jusqu’à un certain point, le geste instinctif d’appréhension et de recul qui, en présence de la totalisation inexorablement montante de la Noosphère***, rejette désespérément, sous nos yeux, tant d’êtres humains vers des formes d’individualisme et de nationalisme désormais périmées.

       L’éternel jeu qui recommence, après avoir paru culminer dans la réalisation du grain de conscience réfléchie****, se met en devoir maintenant de grouper, de synthétiser, ces grains de pensées entre eux. Après l’Homme, l’Humanité... »

     

    Pierre Teilhard de Chardin, La place de l’homme dans la nature, 1949.

     

    * Il y a une centaine d’années pour nous.

    ** On parle aujourd’hui de Mondialisation.

    *** L’« Humanité planétisée ».

    **** Triomphe de l’individu autonome.

     

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  • Critique de la théorie mimétique

     

     

    Riches de nos ressemblances

     

    Pour les lecteurs incrédules de René Girard, parmi les plus sincères, ce qui achoppe souvent, ce qui littéralement les « scandalise », c’est ce qu’on peut appeler le « déni de l’altérité ». Girard serait incapable de penser la différence de l’autre.

     Ceci n’est pas exact. Ce que dit Girard, c’est que les humains, généralement, sont obsédés par leurs différences au point d’en oublier leurs ressemblances. Nous redoutons l’indifférenciation, et à juste titre, puisque toutes les grandes crises mimétiques de l’histoire humaine ont eu leur origine dans une crise de l’indifférenciation. Les crises mimétiques ont généralement pour fonction de refabriquer de la différence là où elle paraît avoir disparu.  Le mécanisme du bouc émissaire est le processus par lequel tous, unanimement, se rassemblent contre un ennemi unique. C’est au moment où les différences se dissolvent complètement que la crise est à son apogée, et c’est le moment où les humains, réconciliés, s’imaginent qu’ils se sont débarrassés de l’altérité insupportable. C’est le moment où la méconnaissance est à son comble.

     Notre époque, post-girardienne, refuse de dire qu’elle rejette l’altérité. Elle en veut, au contraire, elle en rajoute. Elle a ainsi inventé la notion d’enrichissement mutuel par la reconnaissance de notre « diversité ». Tandis que les archaïques vomissent la mondialisation dans laquelle ils craignent de perdre leur identité, les modernes se font fort d’accueillir toute la différence du monde.

     Les deux points de vue sont aussi erronés l’un que l’autre et pour la même raison ! Si nous pouvons être ouverts aux autres humains, c’est parce qu’ils sont exactement comme nous.

     En un mot, l’exaltation de la différence même « riche de notre altérité » , c’est la guerre. La confusion joyeuse de nos ressemblances, c’est la paix. C’est difficile à admettre, mais comment construit-on autrement l’universel ?

     

     Précision. « Les crises mimétiques ont pour fonction de refabriquer de la différence là où elle paraît avoir disparu », ai-je écrit plus haut. Ceci a toujours été vrai mais ne l’est plus. LA crise que nous traversons aujourd’hui, interminable, ne peut pas connaître de résolution sacrificielle, puisqu’il ne s’agit pas de refabriquer de la différence, il s’agit, au contraire, d’accepter nos ressemblances. La reconnaissance de « l’autre » passe par la reconnaissance de « soi en l’autre ». Nous sommes plus que frères, nous sommes jumeaux. Pour paraphraser Kant, nous pouvons dire que l’histoire du monde n’est rien d’autre que le progrès de la conscience de notre gémellité. 

     Proclamer le « droit à l’altérité » est généreux mais cette revendication se trompe de cible, elle retarde la « sortie de crise ».

     

      

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