• Empathie 

     

     

     

    Que signifie « être touché » ?

     

    L’empathie est souvent confondue avec la compassion. Elle n’en est pas loin, mais elle ne s’exerce pas seulement dans la misère. L’empathie peut aussi se manifester par une grande bouffée de joie partagée.

       Évidemment, après un geste de sympathie, nous disons : « Merci, cela me touche beaucoup. » Tout acte de reconnaissance « touche ». Les enfants, qui n’ont pas encore appris les codes langagiers ni la honte du corps, se jettent simplement dans vos bras. Le signe est fort, voilà comment ils veulent nous toucher et qu’on les touche.

       Le fait de se sentir « touché » dit ce que l’on ressent, mais comment extérioriser notre ressenti, comment le manifester vraiment ? Si nous laissions le corps exprimer ce qu’il désire, nous serions sûrement plus vrais. Mais le corps est interdit – surtout sous nos latitudes !

       Quel supplice, quand j’étais enseigneur, de voir un élève souffrir on dit aujourd’hui qu’il est « en souffrance » , un élève triste et prêt de pleurer, une élève malheureuse au regard suppliant, et de m’interdire de le prendre dans mes bras, de la réconforter contre moi !

       Qu’est-ce que la consolation ? Dire « désolé » vous rend-il quitte de votre devoir de sympathie ? Nous avons réduit « l’expression de nos sentiments » à des faireparts.

     

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  • Parution 

     

    Sortie, dans La Pléiade, de William Shakespeare, Sonnets et autres poèmes. Cette parution complète les sept premiers tomes consacrés au théâtre de Shakespeare. J’ai modestement contribué à cette dernière édition.

       Cet ouvrage est une référence à qui veut se plonger dans l’œuvre de Shakespeare, une somme d’érudition. La bonne idée est d’avoir adjoint à cette édition une Anthologie des traductions françaises des Sonnets (dans laquelle j’apparais) qui couvre la période 1821-2018. Il y a, en effet, une tradition française de Shakespeare, et l’on trouve une variété d’approches selon les sensibilités, les époques, les a priori, ou simplement les « techniques de traduction ». L’histoire des Sonnets est aussi l’histoire de ses traductions.

     

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  • État de la personne 

     

    Cette manie de classer

     

    Il y a probablement autant de formes de sexualité qu’il y a d’individus. Séparer les adultes entre hétérosexuels et homosexuels est très réducteur. Parler de LGBT est déjà un peu plus nuancé : nous en sommes à quatre classes, en fait cinq avec les hétéros. Mais combien y a-t-il de manières d’être homosexuel ? Et hétérosexuel, alors ! Que dire des pédophiles ? Leur sexualité est désastreuse mais elle existe bel et bien. Ajoutons les partisans SM, et ceux qui n’ont pas de sexualité du tout. Que faire du voyeurisme, de l’exhibitionnisme ? À la vérité, le dénombrement des sexualités est infini.

       Cela peut se comprendre aisément. La sexualité est intimement liée à la personne, elle est le fondement d’une partie capitale de son identité. Souvent on se reconnait dans sa sexualité. Il arrive aussi qu’on ne se reconnaisse pas dans le sexe que la nature vous a donné. Et dans la relation que chacun entretient avec son corps se développent autant de comportements qu’il y a de variantes dans le code ADN. L’intimité respectée de chacun n’est pas une morale, c’est un constat, un « principe de réalité ».

       La limite à notre tolérance est celle du mal que l’on peut faire à autrui. En matière de pédophilie, la limite est immédiate. Le sexe étant souvent associé à des formes de violence, là aussi les limites sont intangibles. Le macho n’a pas le droit de brutaliser sa partenaire, sous prétexte que c’est sa forme de sexualité à lui. En matière de sexualité, il n’y a pas de droit, il n’y a que des pratiques. La difficulté d’une législation – indispensable pour protéger les plus faibles – est immense. Les « féminicides » restent parfois impunis. Les viols, les incestes passent souvent entre les mailles du filet de la justice.

       Ce désordre « naturel » est évidemment insupportable à tous les constructeurs de barrières – c’est-à-dire à peu près tout le monde. Comme les barrières sont intenables, on a inventé la décence, qui a pour seule limite l’exhibition. Elle n’est pas acceptée par tout le monde. Les Français possèdent, par tradition, cette forme de tolérance : ce qui se passe dans la chambre des autres ne nous regarde pas. Les pays de tradition puritaine sont plus chatouilleux. Les « scandales sexuels » dans les pays anglo-saxons sont un reste de puritanisme anachronique.

     

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  • L’école à l’envers 

     

    Enseignement et apprentissage naturel

     

    L’enseignement institutionnel et l’apprentissage naturel sont quasi antinomiques. « Naturellement », nous apprenons par l’expérience. Nous vivons un événement et « nous en tirons la leçon ». Observez un petit enfant, et voyez comment il manipule, il retourne les objets, comment il s’interroge sur la nature des choses. Il veut tout savoir. Sa survie en dépend. Sa soif d’apprendre est proche de l’infini.

       Il en va tout autrement à l’école. Voulant imiter la démarche naturelle du tout-petit, les pédagogues ont essayé les « méthodes directes ». En Maths, on commence par les exercices, les théorèmes viennent après. Le cours d’Histoire débute par « une étude de cas », et on en tire ensuite les enseignements ou on attend que les élèves en tirent « spontanément » les enseignements. En langues, on pratique d’abord la conversation, les règles de grammaire sont enseignées plus tard. Cela paraît idéal. Ce n’est malheureusement qu’un mirage. Car on n’apprend pas à l’école sans projet, sans direction, sans cible ; le but à atteindre doit être donné par le maître en début de leçon. Ce que le petit enfant fait spontanément, il ne sait plus le faire dans le cadre de l’institution, à heure fixe, dans un lieu déterminé.

       Le « désir d’apprendre » ne fonctionne pas sans finalité : le modèle précède l’exécution. Le désir mimétique n’est rien d’autre.

       L’apprentissage « volontaire » passe par une forme d’oubli. C’est malheureux, mais c’est comme ça. Vous pouvez apprendre une quantité de langues sans effort avant l’âge de cinq ans. Cela devient difficile, voire presque impossible à l’âge adulte. Pour apprendre, il faut ré-apprendre à apprendre. « Plus on va à l’école, moins on peut compter sur ses facilités naturelles. Nous naissons tous avec une multitude de dons, mais ils ne résistent pas à l’apprentissage.»*

       Qu’est-ce qui se substitue au « don » d’apprentissage du petit ? Le désir d’apprendre. Qu’est-ce qui déclenche le « désir d’apprendre » ? C’est le modèle que l’on a devant soi (élémentaire, mon cher Girard !). Et le premier modèle « devant soi », c’est le maître d’école, le prof, celui que j’appelle l’enseigneur. Il vaut mieux, à tous points de vue, que ce soit le maître institutionnel, sinon, abandonné à lui-même, l’enfant ira au plus facile, et il imitera le caïd de la classe, le frimeur, souvent le plus mauvais élève en terme scolaire. Faute de maître, on imite ses pairs.

       Je viens, en quelques paragraphes, de dénoncer la presque totalité du « malaise » de l’enseignement, ses tares modernes, la méconnaissance qui domine, les causes de son inefficacité et le recul des résultats scolaires depuis plusieurs décennies !

     

    *Extrait de mon essai Le Maître des désirs.

     

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  • L’amour sert-il à quelque chose ?

     

    Quel bonheur de faire la conversation avec un Sénégalais qui, pendant un quart d’heure, ne vous lâche pas la main ! Oui, c’est bien moi, oui, c’est bien toi, oui, nous sommes ensemble !

     

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