• Ils m’ont fait

     

     

     

    Toutes ces existences

     

    Toutes ces existences que j’ai croisées, mes contemporains :

       Nelson Mandela, Martin Luther King, Albert Einstein, Charlie Chaplin, Pierre Teilhard de Chardin, René Girard, Michel Serres, Léopold Sédar Senghor... Ces trois derniers auxquels j’ai pu parler.

       J’ai partagé avec eux une part de mon siècle, ils font partie de ma biographie.

     

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  • Et incarnatus est   

    J'avais quinze ans

    Je suis mon corps

     

     Je n’ai pas mon corps, je ne le possède pas, je suis mon corps.

    ·       Personne ne possède pas son corps, c’est plutôt le corps qui possède la personne. Ce n’est pas mon corps qui dépend de moi, c’est moi qui dépends de mon corps. À tous égards. On pourrait dire que le corps a des droits supérieurs à ceux de la personne. Avant d’être une identité, je suis mon corps.

    ·       Je ne suis pas plus propriétaire de mon corps que je peux être le propriétaire du corps de quelqu’un d’autre. L’esclavage réduit l’être à une chose et les propriétaires d’esclaves sont des boutiquiers, des spéculateurs.

    ·       Les féministes se défendent contre les injustices que subissent les femmes en disant qu’elles refusent que leur corps appartiennent à un homme. En disant « mon corps m’appartient », elles continuent, hélas, de conforter l’idée que le corps peut appartenir à quelqu’un. Elles finissent par perpétuer l’idée de la femme objet. La contradiction est fatale.

    ·       On ne choisit pas plus son corps qu’on ne « choisit » son genre, malgré ce qu’en pensent les libertariens. Je nais avec un sexe, et si ce n’est pas celui qui correspond à mon genre, le chemin pour parvenir à une harmonie entre ce que je suis et ce que j’ai reçu peut être long et douloureux.

    ·       Le corps n’est pas un objet, il est le centre d’une multifide de relations. Pas seulement de relations aux autres, mais aussi à la terre, à l’oxygène, à l’histoire et à la culture dont j’hérite... Le corps ne peut pas être circonscrit à une fonction, une tâche, un droit... il est le lieu où tout converge. D’où l’illusion flatteuse que je suis le centre du monde. C’est l’exacte vérité, mais d’un tout petit monde, seulement. Il vaut mieux penser la persona comme saint Thomas : c'est un faisceau de relations.

    ·       Le corps ne peut pas être séparé de l’âme qui l’habite. C’est en cela que le corps est un mystère, au sens religieux du terme pas une énigme, pas une « chose cachée », pas un fantasme. Une telle « définition » ne peut pas satisfaire les héritiers des Lumières : non, le corps n’est pas rationnel ni pragmatique. Il ne se réduit pas à une logique. Il est, avant tout, spirituel. Ceci renvoie au mystère de l’Incarnation. Un « mystère » n’est pas une réponse à une question, il est la question elle-même.

       En d’autres termes, si l’on retire l’esprit au corps, il ne reste plus qu’une chose, une carcasse que l’on peut prostituer, vendre, découper en morceaux, sur laquelle on peut boursicoter, renchérir, parier et gagner de l’argent. Vision horrifique de notre monde matérialiste.

     

     

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  • Sortir de la crise 

     

     

    Une COP sociale

     

    La Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques, également appelée COP, se réunit annuellement pour « proposer » des solutions face à la catastrophe climatique qui nous guette, qui nous menace déjà, qui s’abat sur nous. Les « résolutions » sont chaque fois décevantes. Rien ne se passe. Les gouvernements font des promesses solennelles et puis n’en tiennent pas compte. Les engagements sont immédiatement dépassés par la réalité.

       Pourtant, le dérèglement climatique n’est qu’un symptôme d’un problème beaucoup plus grave et plus vaste : l’incroyable gaspillage de la planète lié à la privatisation du monde et à l’économie financière mise en place depuis les années 1980. Nous devrions avoir commencé une décroissance depuis au moins le rapport Meadows (1972), nous avons fait le contraire ! En 15 ans, la production vestimentaire a augmenté de 60 %, accentuant la pollution au niveau de la fabrication et du transport à travers les océans, et sans améliorer le recyclage (moins de 1% du textile est effectivement réutilisé).

       À cette gabegie, il faut ajouter l’augmentation spectaculaire des inégalités depuis 30 ans. Il ne s’agit pas d’un problème parallèle au désastre climatique. Les riches deviennent de plus en plus riches : 1) tout en polluant davantage pour s’enrichir ; 2) et en polluant un peu plus parce qu’ils consomment plus. Une répartition ne serait-ce qu’honnête, entre tous les citoyens de la planète, changerait forcément la donne. En taxant, par exemple, à 90% les revenus* de 1% des terriens les plus riches, on approcherait d’un début de justice, de même que demander des efforts de sobriété à tous serait moins immoral. Si les conséquences des dérèglements climatiques et autres crises ne sont « payées » que par les moins riches, les comportements de jacqueries vont se multiplier. Il y a pourtant une chance à saisir de changer complètement le mode de répartition de nos richesses (pour l’instant, tout va aux riches) alors que la nécessité de produire et consommer autrement s’impose pour tous.

       L’avenir est à la mise en commun de nos biens communs. « Les choses que nous avons en commun sont si nombreuses et si importantes », rappelle le pape François (FRATELLI TUTTI, 2020). L’économiste et prix Nobel Esther Duflo a démontré, sur le terrain, en Inde, en Tanzanie, et ailleurs, qu’une meilleure répartition de l’argent est un moyen de diminuer la pauvreté : les pauvres savent parfaitement gérer leurs besoins. Ils ne gaspillent pas et savent harmoniser leurs dépenses à leurs besoins réels. Alors que les riches...

       À l’image de la COP pour le climat, il est urgent de mettre sur pied une COP sociale, et que tout le monde s’y engage !

     

    * C’est ce qu’avait réussi Roosevelt aux États-Unis après la grande dépression de 1929. 

     

     

     

     

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  • Sagesse et équité 

     

    Le bon jeu

     

    Avant d’être contaminés par le football professionnel, certains amateurs, dans les villages africains, avaient coutume d’ajouter une règle à celles qui régissent ce sport. Quand un but était marqué, le tireur victorieux passait dans l’équipe adverse, en échange d’un joueur moins bon ou moins chanceux, et l’équilibre de la partie était merveilleusement maintenu ! Un tel comportement a de quoi décevoir bien des hooligans fanatisés. Mais quelle sagesse, et comme la règle est facile ! 

    Extrait de mon essai Crise du désir, L’Harmattan, 2021.

     

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  • École 

     

     

    Battements de cœur

     

    Éduquer ne relève pas d’un simple cahier des charges, il ne saurait y être question de rendement, d’efficacité et encore moins de croissance et de profit. Éduquer, c’est d’abord entrer en relation avec, l’éducation « fonctionne » bien plus avec le cœur qu’avec la tête ― comme apprendre dépend davantage du désir que de la raison. Mais comment valoriser l’affectif, le sentiment et l’émotion, à une époque où, plus que jamais, l’antique séparation opérée par les Grecs entre l’esprit et le corps fige toutes les approches humaines ? D’un côté, nous faisons travailler l’intellect, si possible le plus abstrait possible, par exemple sous forme de chiffres. Les chiffres sont neutres, ils sont froids, ils sont sûrs (enfin, presque toujours). Ils sont tangibles et permettent de comparer les résultats, c’est-à-dire de sélectionner les individus qui les manipulent. De l’autre côté, nous exploitons le corps, le plus détaché possible de la personne, le corps objectif  ou le corps modèle : corps d’athlète qu’on travaille et qu’on dope, corps de femme pour la vente, corps de la pornographie, un corps toujours réduit à ses performances, ou corps consommateur d’aliments, de médicaments, de services. Corps d’exhibition, corps objet, dont le « sujet » a été énucléé !

       Comment puis-je m’y prendre à présent, moi simple enseigneur, devant un être coupé en deux ? Pire que cela, je dois prendre en charge une personne dont la tête est censée mériter une attention publique, tête sociale en quelque sorte, et un corps rétréci et limité au domaine privé, corps interdit dans la classe, corps présent comme s’il n’existait pas, et gare à moi si je regarde de trop près la nymphette habillée ou déshabillée par les fashion designers ! 

       Entre l’intellect survalorisé qui s’embrume dans le brouhaha global et le corps plus intouchable aujourd’hui qu’aux pires heures du puritanisme hypocrite, j’ai la faiblesse de croire qu’il y a un cœur et c’est lui qui m’intéresse prioritairement, c’est lui que je place « au cœur » de l’éducation. J’appelle « cœur » (est-il nécessaire de le définir ?) ce nœud qui lie le corps à l’esprit. Le cœur est le domaine du désir. Ce cœur-là se manifeste chez les meilleurs artistes autant que chez les enfants. Il est souvent éteint chez « les grandes personnes », comme les nommait le Petit Prince. Lié aux passions, il est accusé de nuire au bon fonctionnement de la raison. C’est « l’erreur de Descartes », justement. Bien qu’étouffé par la culture, il est reconnaissable pour qui sait en déceler les signes délicats, les symptômes discrets. Je ne prise rien tant, personnellement, que les émotions intelligentes et les idées belles et sensibles. Elles brillent chez les artistes, elles scintillent chez les enfants.

     

    Extrait de mon essai, Et mon tout est un homme.

     

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