• Vocation

     

     

     

    The Fabelmans

     

    Le dernier film de Steven Spielberg, avec plus d’un demi-million d’entrées en deux semaines, en France, mérite son succès. Loin du Spielberg à grand spectacle, que nous aimons aussi, nous retrouvons le cinéaste de E.T., ou de l’Empire du soleil, un Spielberg intime, à hauteur d’enfant, doué d’une sensibilité folle. Son héros, lui-même, est ici le modèle de l’être possédé dès l’enfance par un désir unique : il sait qu’il sera cinéaste, quoi qu’il advienne. La merveille, c’est que c’est ce qui lui est arrivé, et il n’est pas devenu un petit cinéaste. Deuxième merveille, mais elle n’est pas totalement mystérieuse, c’est que le réalisateur a gardé, passé l’âge de 75 ans, le même étonnement, une fascination toujours intacte pour son art. Le désir était si fort qu’en même temps que le désir, il a gardé la part d’enfance qui va avec.

       À ces caractéristiques propres aux vrais artistes, Spielberg ajoute il n’est probablement pas une exception un amour immodéré pour sa mère. Femme fragile, attachante, une artiste (elle est musicienne) à fleur de peau, sa mère possède avec son fils ce qu’on peut appeler une part spirituelle, ce souffle particulier des hypersensibles. Sous le coup de l’émotion, l’adolescent déclare : « J’ai eu une crise cardiaque ». Son père, plus prosaïque, rectifie : « Non, c’est une crise d’angoisse ». C’est, à la vérité, le sentiment quasi-mystique qui envahit l’artiste au moment où sa vocation se révèle complètement à lui.

     

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  • Portfolio 

    Qu’est-ce qu’un corps ?

     

    « La façon dont l’esprit est uni au corps ne peut être comprise par l’homme, et cependant c’est l’homme même. »

    Saint Augustin, La Cité de Dieu, XXI, 10.

     

     

     

     

     

     

     

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  • Shakespeare 

     

    TRÈS politiquement INcorrect 

     

    Le comportement de Caliban, dans La Tempête, quand il s’agenouille devant l’opportuniste Stéphano, qu’il lui lèche les bottes, et le choisit comme nouveau maître à la place de Prospéro, suscite aujourd’hui de troublantes réflexions. Toute coïncidence avec des événements récents au Sahel ne peut pas être fortuite. Le remplacement d’un colonisateur jugé injuste (la France, l’Europe) par un nouveau patron sans foi ni loi (Wagner) ressemble à s’y méprendre à la scène conçue par Shakespeare, il y a quatre siècles !

       Peu de temps avant Shakespeare, La Boétie avait, lui aussi, dénoncé « la servitude volontaire ». La dérision de la scène entre Caliban, Stéphano et Trinculo ajoute beaucoup d’ironie noire à cette critique.

     

    CALIBAN. As I told thee before, I am subject to a tyrant, a sorcerer, that by his cunning hath cheated me of the island. […]

    I say, by sorcery, he got this isle ;
    From me he got it. If thy Greatness will,
    Revenge it on him
    for, I know thou dar’st, […]

    Thou shalt be lord of it, and I’ll serve thee.

    STEPHANO. How now shall this be compassed ? Canst thou bring me to the party?
    CALIBAN. Yea, yea, my lord. I’ll yield him thee asleep,
    Where thou mayst knock a nail into his head. […] 
    Why, as I told thee, ’tis a custom with him
    I’ th’ afternoon to sleep. There thou mayst brain him,
    Having first seized his books. […]

                                                        Remember
    First to possess his books ; for without them
    He’s but a sot, as I am. […]

    Thou mak’st me merry. I am full of pleasure.
    Let us be jocund. Will you troll the catch
    You taught me but while-ere ?
    STEPHANO. At thy request, monster, I will do reason, any reason. Come on, Trinculo, let us sing.
                                                                                    [Sings.
     Flout ’em, and scout ’em ;
     And scout ’em, and flout ’em !
    Thought is free.

                                                                The Tempest, Act 3, scene 2.

     

    CALIBAN. – Comme je te l’ai déjà dit, je suis soumis à un tyran, un sorcier qui, par

    ruse, m’a privé de mon île.

    Je dis que c’est par sorcellerie qu’il a pris possession de cette île ;

    Et c’est à moi qu’il l’a prise. Si ta Grandeur veut bien

    M’en venger je suis sûr que tu en as l’audace ,

    Tu seras alors le seigneur de l’endroit, et je serai ton serviteur.

    STEPHANO. – D’accord, mais comment s’y prendre ? Peux-tu me conduire à son

    antre ?

    CALIBAN. – Oui, oui, monseigneur. Je vais te le livrer endormi,

    Tu n’auras plus qu’à lui enfoncer un clou dans la tête.

    Comme je te l’ai dit, il a l’habitude

    De dormir l’après-midi. Tu n’as qu’à lui faire sauter la cervelle...

    Après t’être emparé de ses livres.

                                                                 Rappelle-toi bien :

    Prends d’abord possession de ses livres ; car sans eux,

    Il est aussi bête que moi.

    Tu me combles de joie. Ma satisfaction est totale.

    Réjouissons-nous. Voulez-vous reprendre avec moi

    Le refrain que vous m’avez appris tout à l’heure ?

     

    Fichons-nous d’eux, et débarrassons-nous d’eux !

    Débarrassons-nous d’eux, et fichons-nous d’eux !

    La pensée est libre ! 

     

     

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  • Masculinisme 

    « un enfant si je veux, quand tu veux »

     

    « Un enfant si tu veux, quand je veux ! » 

     

    La revendication libertaire des féministes, « Un enfant quand je veux, si je veux », a sans doute contribué, un peu, au soulagement des femmes oppressées par des siècles de machisme. La revendication a eu aussi pour conséquence d’éloigner un peu plus les pères de leurs enfants. Beaucoup ne demandaient pas mieux. Ainsi, au lieu de responsabiliser les hommes, on les a déculpabilisés. Et ils sont partis...

       Le slogan féministe des années 1970 était l’étendard des contestataires en faveur de l’avortement. Manière politiquement correcte déjà ! de dire : pas denfant si je n’en veux pas... La revendication paraissait « libératrice ». Jamais acquise, plutôt en recul actuellement, elle est toujours d’une actualité criante.

       Pour ma part, je me suis toujours posé la question et je parais bien seul à la poser de savoir comment les femmes faisaient les bébés toute seules. La revendication « si je veux, quand je veux » exclut, de facto, le géniteur. Bref, d’une revendication positive, on est tombé dans une démarche d’exclusion, de rejet, encore un droit acquis contre et non avec ses partenaires. Ceci a donné à cette campagne une allure guerrière quelle a toujours : « le combat des femmes », « la juste cause à défendre »...

       Quelle extraordinaire différence ce serait si le slogan était : « un enfant si je veux, quand tu veux » ! Version masculine de : « Un enfant si tu veux, quand je veux ! »

       Le plus surprenant dans cette aventure est la faiblesse, voire l’absence du point de vue masculin. Moi aussi, je rêve d’avoir un enfant, et j’en veux, et je ne peux pas le faire tout seul. Puisqu’il faut passer par le consentement de la génitrice droit que je ne lui conteste aucunement , je minterroge sur ma position d’outsider, un peu hors circuit, et je reste sans moyen. Je me rappelle encore qu’en 1970, pour pouvoir assister à la naissance de ma première fille, il a fallu que je fasse une pression insistante auprès du gynécologue accoucheur...

       Cette « exclusion du père » n’est pas récente. Elle a presque toujours existé. Les pères en ont, certes, tiré bien des avantages. Pas de responsabilité, les gosses, c’est l’affaire des femmes, et les abandons du foyer familial continuent comme avant, les mères se retrouvant seules et démunies. Doù vient que la revendication de paternité soit si peu audible ? Les associations Jamais sans mon Papa ou SOS Papa sont révélatrices du problème que je soulève. C’est, hélas, quand ils sont privés de leurs enfants, que les papas pleurent et protestent.

       Rapportés aux papas, le slogan « un enfant si je veux » paraît légitime, même si ajouter « quand je veux » est et sera toujours problématique.

       On compte, aujourd’hui, plus de 1 500 000 mères célibataires en France. Leur nombre a doublé en trente ans. On n’arrête pas le progrès. Si la revendication était d’égalité au départ, elle a lamentablement échoué. La proportion de pères célibataires, sur le total des familles monoparentales, n’est que de 15 %.

     

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  • Crise du désir

     

     

     

    Nous n’avons plus d’ennemi commun

     

    Traditionnellement, archaïquement, le « paix » d’une nation était assurée par la haine d’un « ennemi commun ». Le réflexe est tribal, mais il s’est perpétué jusqu’à des temps récents. Préparer une guerre vous soude un peuple comme personne ! Notre chère République doit beaucoup à la Première Coalition des États européens contre la France au début de 1793. Les « grandes guerres » ont contribué à forger des cultures nationales : les Allemands contre les Français, les Japonais contre les Chinois, aujourd’hui les Israéliens contre les Palestiniens, et Poutine contre tout l’Occident ! Mais, comme je l’ai souligné dans mon essai Crise du désir, « l’humanité étant à présent resserrée sur elle-même en un ‘‘village global’’ dont nul ne s’échappe, la résolution sacrificielle, l’expulsion du mal incarné par le bouc émissaire, ne sont plus possibles. » Face aux crises ― notamment devant l’urgence climatique ―, nous n’avons plus personne à accuser, nous ne pouvons que nous en prendre à nous-mêmes. Et ça fait mal. Et nous regardons ailleurs. Et il n’y a plus d’ailleurs.

     

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