• Hamlet ad libitum 

     

     

     

    Queen. Why seems it so particular with thee ?

    Hamlet. Seems, madam ! nay, it is ; I know not 

       seems.

    ’Tis not alone my inky cloak, good mother,

    Nor customary suits of solemn black,

    Nor windy suspiration of forc’d breath,

    No, nor the fruitful river of the visage,

    Together with all forms, modes, shows of grief,

    That can denote me truly : these, indeed, seem,

    For they are actions that a man might play ;

    But I have that within, which passeth show,

    These but the trappings and the suits of woe.

     

    La Reine. – Qu’est-ce qui te fait paraître ainsi ?

    Hamlet. – Paraître, madame ? Ah, non ! Tout est vrai ; je ne sais pas paraître. Ce ne sont pas mon manteau couleur d’encre, chère mère, ni mon uniforme de deuil, ni les soupirs bruyants que je me force à pousser, ni les flots abondants qui coulent sur mon visage, et tout cet étalage coutumier et tapageur du chagrin, qui peuvent me montrer tel que je suis. Tout cela peut paraître, en effet ! Car ce sont des actions qu’un homme est capable de mettre en scène. Mais ce que j’ai là, en moi, dépasse les apparences qui ne sont que les habits trompeurs du malheur.

     

    Acte I, scène2.

     

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  • I.A.

     

     

    La pensée simulée

     

    La pensée simulée repose sur une imposture : la distinction supposée entre le corps et l’esprit, traduite en hardware et software.

       Le behaviorisme, conçu au début du XXe siècle, postule que l’individu, semblable à une boîte noire ― il n’est pas nécessaire de savoir ce qui se passe à l’intérieur ― serait le simple produit de son environnement : il suffit d’analyser ses entrées (inputs) et sorties (outputs) pour le connaître tout entier. L’idée que l’environnement « fabrique » l’individu est tenace et influence encore largement la sociologie et la psychologie.

       L’expression « intelligence artificielle » date de 1955 : « Tous les aspects de l’apprentissage ou toute autre caractéristique de l’intelligence peuvent en principe être décrits avec une telle précision qu’une machine peut être construite pour les simuler », proclamait le mathématicien John McCarthy. 

       Ramener la personne humaine à une machine complexe est une obsession immémoriale. L’Apocalypse de Jean parle de « la Bête ». On retrouve le même fantasme dans le Golem juif et beaucoup d’autres mythes. Inventer aujourd’hui des petits robots qui ont l’air intelligent revient à donner quelque consistance à ce vieux fantasme. Croire qu’ils sont dotés d’une forme d’intelligence relève de la même crédulité, de la même méconnaissance, voire de la même sottise.

     

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  •  Portfolio 

    Le doux 

     

    « Il n’y a pas de morale sans changer le dur en doux, sans se mettre à la place la plus humble. »

    Michel Serres, Morales espiègles.

     

     

     

     

          

     

     

      

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • Rivalité mimétique

     

    Le ‘degree’

     

    « Que l’on a bien fait de distinguer les hommes par l’extérieur, plutôt que par les qualités intérieures ! Qui passera de nous deux ? qui cèdera la place à l’autre ? Le moins habile ? Mais je suis aussi habile que lui ; il faudra se battre sur cela. Il a quatre laquais, et je n’en ai qu’un : cela est visible ; il n’y a qu’à compter ; c’est à moi de céder, et je suis sot si je le conteste. »

    Blaise Pascal, Pensées (1670).

     

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  • Poésie

     

     

    Source

     

           Les autres sont des gens,
           Les autres sont des femmes,
           Les mains pleines d’argent,
           Pleine de bonheur, l’âme.
     

           Moi, je suis dans le bois
           Qui ne sait, une Source,
           Je suis l’Eau que ne boit
           Personne dans sa course.
     

           Je suis l’Eau qui jaillit
           De l’ombre. La tendresse
           Qu’au secret des taillis
           Emporte sa détresse.
     

           L’Eau née avant le jour,
           Pour qu’au sec de la terre,
           À son limpide amour
           Un cœur se désaltère.
     

           L’Eau pâle qui, plus tard
           Que le soir coule encore.
           L’Eau de pauvre regard
           Dont chaque larme implore.
     

           Je suis l’Eau d’aujourd’hui
           Et demain qui ruisselle
           Pour rejoindre celui
           Qui n’a pas besoin d’elle.
     

           Je suis l’Eau qui se perd,
           En vain vive, en vain pure,
           En vain bonne, à travers
           De trop seules verdures.
     

           Je suis celle qui court
           Pour qu’enfin son Eau meure,
           La Source qui toujours
           Aura soif et qui pleure.

     

    Marie Noël (1883-1967). Recueil : Chants des temps irréels

     

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