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Victimisme
Coupables non coupables,
ou l’art de changer les délinquants en victimes.
Un adolescent se tue lors d’un rodéo moto. Il ne portait pas de casque, il n’avait pas de permis moto, ni d’assurance... La foule s’émeut. La version victimaire devient : c’est la faute de la police qui le pourchassait, de la route qui était mal entretenue, de l’arbre qui était planté au mauvais endroit. Si, en plus de tout cela, la victime est « issue de l’émigration », n’allez pas l’accabler, le malheureux !
Le harcèlement par téléphone est un crime. Cela est explicite quand il entraîne le suicide d’un collégien. Qui accuse-t-on ? L’Institution scolaire qui n’a pas pris de mesures de préventions, les « réseaux sociaux » — sans faire le détail —, les parents de l’harceleur (à peine), la Société (sans désigner personne puisque c’est nous). Les coupables des messages assassins, parfaitement repérables à partir de leurs téléphones, n’ont pas à s’inquiéter. Il commence cependant à y avoir des filatures qui remontent aux vrais criminels... Mais ils sont si jeunes ! Il faut bien qu’ils s’amusent !
Qu’est-ce que « le meilleur des mondes » ? C’est celui où personne n’est coupable. C’est le nôtre. De quoi se plaint-on ?
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Petite poésie subversive
En tant que Juif...
En tant que Palestinien...
En tant que n’est pas un bouclier, c’est une cible.
En tant que Français, je n’ai pas de raison d’être fier.
En tant que Sénégalais, l’Afrique est mon territoire
de rêve.
En tant que femme, je hais tous les machos
et je me déteste si j’en suis un.
En tant que moi-même, je pèse moins lourd
que toi dont je dépends.
En tant que Toi, Je...
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Le Folio de 1623
William Shakespeare meurt le 23 avril 1616. Il n’a rien prévu quant à la suite à donner à son œuvre. Absolument rien ! Après sept années de compilations et de patientes recherches, les meilleurs amis de William Shakespeare, John Heminge (ancien acteur de sa troupe) et Henry Condell (acteur dans la Troupe du roi), achèvent la publication de ce qui demeure encore aujourd’hui comme « l’œuvre complète » du dramaturge. Hélas, pas tout à fait complète. Malgré le zèle mis dans leur travail, plusieurs œuvres ont été perdues... et seules 18 pièces avaient été publiées précédemment. Nous ne pouvons qu’être infiniment reconnaissants pour ce tour de force. Que resterait-il de Shakespeare sans leur travail passionné ?
Le titre complet de l’édition est Mr. William Shakespeares Comedies, Histories, & Tragedies. Le format in-folio est le plus grand format éditable à l’époque (l’équivalent de la taille d’un magazine aujourd’hui). C’est une publication luxueuse, avec titre, frontispice, sommaire, épîtres dédicatoires, poèmes d’hommage, index, illustrations. Le livre a coûté cher à fabriquer, malgré le mécénat des frères Herbert (Philip et William, eh oui, William Herbert, W.H.). Heminge et Condell insistent auprès des lecteurs sur la nécessité d’acheter le livre prioritairement. Le prix de vente était de 1 £. Par comparaison, une place au théâtre coûtait 1 penny ! Le papier était cher, et avant la fabrication du Folio, il a fallu des tractations commerciales pour que les pièces détenues par les troupes puissent être rachetées afin d’être publiées.
On estime que le premier Folio fut édité à 800 exemplaires. Il en reste 233 aujourd’hui.
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La violence et le sacré
La peur est une croyance
Macbeth. Present fears
Are less than horrible imaginings.
MACBETH. ― Ce que nous craignons maintenant
Est moins horrible que ce que nous imaginons.
Macbeth, I, 3, 137-138.
La peur « fonctionne » comme le sentiment du sacré. Elle est le produit de notre imagination. La menace est une arme de dissuasion (de la part de l’adversaire) qui se transforme en poison une fois que nous l’avons ingérée. Elle est parfaitement assimilable à une croyance, à une idéologie. D’ailleurs, beaucoup de croyances sont fondées sur la peur. La « crainte de Dieu » a été remplacée, sous nos climats démythifiés, par la crainte de Big Brother — dans les tyrannies modernes — ou la crainte du regard des autres — dans le monde mimétique des médias omniprésents.
C’est toujours le regard d’Autrui qui fait peur, le « mauvais œil ». Comment se débarrasse-t-on de cette hantise ? En changeant l’ennemi en ami, autrement dit, en faisant d’Autrui son Prochain. Ce « message », vieux de 2000 ans, est toujours incompréhensible pour beaucoup.
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